2de – HISTOIRE (17.2), L’essor du monde de la finance en France au XVIIIe siècle. 

2de – HISTOIRE (17.2), L’essor du monde de la finance en France au XVIIIe siècle. 

                               Le XVIIIe siècle (1715-1789) marque en France l’essor du monde de la finance qui se complexifie et se ramifie et devient un des moteur de l’action étatique et de la croissance économique. Qui sont ces hommes d’argent du « Siècle des Lumières » et quelle place occupe-t-il dans les mutations de la France d’Ancien Régime ?

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                Le XVIIIe siècle voit l’affirmation du monde de la finance, où grande bourgeoisie et haute noblesse se côtoient aisément. Les grands argentiers ont toujours fréquentés les allées du pouvoir en France : Jacques CŒUR (1439) en est certainement l’une des figures les plus connues, mais les BOURBONS eurent à leurs services Nicolas FOUQUET (1653), Jean-Baptiste COLBERT (1665), Nicolas DESMARETS (1708) et Jacques NECKER (1776), tous hommes issus du monde de la finance. Ce qui se comprend par le fait que l’État royal, constamment endetté, engage une partie de ses recettes fiscales comme garantie du paiement de la dette : finalement, à partir de 1680, et entre 1726 et 1780, la Compagnie des Fermiers généraux, une entreprise privée, avance le budget du roi et se paye en percevant les recettes fiscales. L’État royal, qui ne dispose pas d’un budget au sens moderne du mot, recourt constamment aux investisseurs privés qui lui avancent l’argent de ses dépenses avant de se payer en commissions ou en titres de dettes négociables : la guerre elle-même est d’abord une affaire de traitants privés chargés d’avancer les vivres, les munitions, les soldats parfois… Les montages financiers sont complexes, les bénéfices énormes. Dans ces opérations financières complexes, les avances de trésorerie au roi font intervenir des financiers rompus à l’exercice mais aussi des bailleurs individuels : on y retrouve les personnalités de la haute bourgeoisie parisienne mais aussi les figures les plus éminentes de la haute noblesse d’épée. Bourgeois et Nobles se côtoient donc lors des grandes opérations financières du XVIIIe siècle. Aucun d’eux n’a, par ailleurs, intérêt à voir le système fiscal revu et modernisé : les oppositions des Parlementaires et de la Cour aux projets de réforme de TURGOT ou de NECKER viennent aussi de leurs participations fructueuses dans les affaires de la Ferme générale. La figure de John LAW, fondateur du système bancaire moderne et des premières émissions de titres de valeur et de billets de banque en France (1715-1723), celle de Joseph Pâris-Duvernay, son adversaire et successeur, fournisseur aux armées et actionnaire de la Ferme générale, dominent le « siècle des Lumières » pour ce qui est de la finance.

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                Les opérations financières ne se limitent aux adjudications d’État. Le financement du commerce maritime stimule la finance dans les régions littorale et les grands ports négriers. Les mécanismes d’assurance des navires, le financement collectif des cargaisons, tout un monde d’affréteurs et d’armateurs expérimente les financements collectifs, préfiguration des opérations de banques et de sociétés par action. Bordeaux et Nantes se spécialisent rapidement dans la déportation des Africains en Amérique et aux Antilles. L’économie de plantation entraîne elle-aussi une mobilisation importante de capitaux : les achats d’esclaves, les mises à fonds initiales et les avances de trésorerie constantes et assez classiques pour les marchés à terme demandent l’intervention de financiers en France mais aussi aux Antilles. Les bourgeois qui réclament l’égalité politique s’accommodent assez facilement de l’existence de l’esclavage : ceux qui s’en émeuvent sont souvent au contraire des nobles, CONDORCET, dans Réflexions sur l’esclavage des nègres (1781) milite pour l’abolition, comme Olympe de GOUGES (Zamore et Mirza, ou l’heureux naufrage, 1785, et Essai sur les hommes nègres, 1788), ou LA FAYETTE qui rejoindra la « Société des Amis des Noirs » (1789). Le Code Noir (1685 et 1724) en vigueur dans les colonies, mais non reconnu par les Parlements car contraire à la coutume qui refusait l’esclavage sur le sol de France, et montre l’implication de l’État dans la mise en place du système colonial et esclavagiste des Antilles : les personnalités éminentes de la Cour (Ministres, gentilshommes de la Chambre du roi) sont impliquées dans la Traite car les bénéfices issus du commerce avec les colonies (50% du commerce extérieur français) sont importants. La morale bourgeoise qui s’accommode de l’esclavage s’accommode aussi très bien de la relégation progressive des femmes : les filles, dont la virginité au mariage est gage de la pureté de leur cœur et de la bonne morale de leur éducation sont envoyées dans des pensionnats, version laïque des couvents, les femmes sont cantonnées aux tâches domestiques nobles (Réception, éducation des enfants). Le « grand renfermement » (FOUCAULT, Folie et Déraison. Histoire de la folie à l’âge classique, 1972), initié pour les fous avec la création de l’Hôpital général de Paris (1655) s’étend progressivement au XVIIIe siècles aux mendiants, aux vagabonds, aux prostituées, aux pauvres qui y reçoivent un programme de travail journalier, et aux libertins : Le marquis de SADE est enfermé à l’asile de d’aliénés de Charenton.

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                Au XVIIIe siècle la finance devient un des outils des grandes opérations de colonisation et surtout de fonctionnement d’un État endetté de manière chronique : bourgeois et haute noblesse se mélangent alors dans l’anonymat des échanges de titres. Même si la finance n’est pas un élément marginal dans le fonctionnement de l’économie en France, elle est cependant très en retard par rapport aux voisins britanniques et néerlandais qui disposent déjà de bourses de valeurs élaborées et capables de drainer d’importants capitaux vers le secteur manufacturier en plein essor.

© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020)

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