DEVOIRS & CORRECTIONS – HGGSP, « La connaissance, enjeux politiques et géopolitiques » / Correction de la 2ième partie « La connaissance : enjeu géopolitique »

DEVOIRS & CORRECTIONS

HGGSP

« La connaissance, enjeux politiques et géopolitiques » / Correction

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                               La connaissance est aussi un enjeu géopolitique. Là encore, rien de neuf. Les civilisations de l’Antiquité et du Moyen Âge savaient ce qu’étaient l’espionnage, et la maîtrise technique assurait aussi une supériorité dans les domaines économiques et militaires que les États transformaient en rayonnement et en puissance. La rupture vient peut-être de la place prise par la production et la diffusion du savoir dans la fabrique de la puissance, ce qu’on appelle le Smart Power.

                La maîtrise du savoir est un atout de supériorité dans la compétition économique et politique mondiale dans la mesure où une accélération spectaculaire des connaissances a eu lieu dans l’informatique : il n’est pas sûr d’ailleurs qu’une fois l’économie entière numérisée cette prépondérance de la connaissance dans la fabrique de la puissance soit aussi forte. Une fois l’effet de rattrapage réalisé, la connaissance technique et scientifique ne redeviendra peut-être qu’un élément parmi d’autre dans la construction et le rayonnement de la puissance. Mais au début du XXIe siècle, la connaissance est incontestablement un outil de puissance, donc un enjeu géopolitique. Le combat entre les États-Unis et la République Populaire de Chine (RPC) au sujet de Huawei montre l’ampleur des répercussions qu’une asymétrie forte dans le domaine des brevets de téléphonie mobile peut prendre. Sans champion national comme ZTE ou Huawei, les États-Unis utilisent les tactiques politico-économiques classiques : arrestation de dirigeant de Huawei comme la directrice financière détenue de longs mois au Canada, embargo sur certains composants électroniques, interdiction à des entreprises américaines de vendre de la technologie à Huawei, guerre commerciale pour allumer des contre-feux en attendant un règlement de la question. C’est une démonstration en creux que la connaissance fonde la puissance : sans brevet, l’Amérique ressort la diplomatie de la canonnière avec la Chine, le « Big stick » de Théodore ROOSEVELT, et dans une certaine mesure cela marche mais chacun comprend bien que ça ne durera qu’un temps. Huawei vient de perdre des parts de marchés dans le monde, et même en Chine, où sa part sur le marché des Smartphone est passée de 45% à 39% entre 2019 et 2020. Mais les parts perdues ont été récupérées par … d’autres entreprises chinoises et pas par Apple, ni même par Samsung. Dans le domaine de la cyber-sécurité, le retard entre les États-Unis et ses deux compétiteurs russes et chinois est patent : soupçons contre les Russes de manipulation des élections de 2016, attaques chinoises contre des firmes de production de logiciels, les États-Unis sur la défensive sur tous les plans semblent dépassés. Faut-il en conclure à la fin de la puissance américaine dans ce domaine ? Difficile à dire dans la mesure où cette situation s’est déjà présentée dans les années quatre-vingt et quatre-vingt dix où le Japon avait gagné la bataille des consoles de jeux vidéos et des ordinateurs, avant que l’Amérique n’invente un nouveau modèle d’usage de l’informatique avec les Smartphones quelques années plus tard…

                Le rayonnement culturel, fondement du soft power théorisé par Joseph NYE (Power and Interdependence : World Politics in transition, 1977, Harvard), est de plus en plus fondé sur la production de la connaissance. La puissance d’un État ne se mesure plus seulement à la séduction que l’ensemble de son modèle idéologique peut exercer mais aussi à la production d’un savoir supérieur en technique aux autres mais. Le Soft Power (Séduction qu’exerce un modèle) est de plus en plus un Smart Power (Pouvoir de produire des connaissances rares). Le Smart Power peut-être également une arme de distinction géopolitique comme l’exemple de l’Inde le montre. Depuis le milieu des années quatre-vingt, l’Inde exporte ses ingénieurs : formés dans les Instituts d’Ingénierie et de Technologie (IIT) créés par le gouvernement fédéral indien, les ingénieurs indiens migrent ensuite dans les universités américaines pour les études universitaires de 2ième cycle. Comme Sundar PICHAI, l’actuel CEO de Google (2015) formé d’abord dans le Bengale puis à Stanford, en Californie et à la Wharton School, la plus ancienne école de commerce des États-Unis, elle-même faculté de l’Université de Pennsylvanie, université de l’Ivy League, fondée par Benjamin FRANKLIN, lui-même un des Pères fondateurs des États-Unis. Ce parcours d’excellence n’a été possible que grâce à l’investissement massif du gouvernement indien dans l’économie de la connaissance. Outil d’émergence, la connaissance est pour l’Inde un outil de rayonnement. Dernier exemple en date du rayonnement de l’Inde par la connaissance : son envoi de 5 millions de doses de vaccin anti-COVID au Bengladesh, à l’Afghanistan, au Népal et au Bhoutan, des États voisins mais qui servent aussi de glacis antichinois alors que les incidents de frontières entre l’Inde et la RPC se multiplient dans l’Himalaya… Les États-Unis connaissent bien ce modèle puisque leurs universités forment les cadres supérieurs des institutions internationales et des pays en développement dans le monde : quelle personnalité politique des pays en développement n’est pas intimement persuadée que le libéralisme est la seule voie sensée pour le développement ? Alpha CONDÉ en Guinée-Conakry, Alassane OUATTARA en Côte d’Ivoire, bien des ministres de l’économie et des finances en Afrique sont d’anciens diplomates et experts autoproclamés de la Banque mondiale ou du Fonds Monétaire International (FMI), acquis de longue date aux vertus supposées du libéralisme. Dès lors, leurs professions de foi antioccidentale ou antiaméricaine sont risibles puisqu’ils mettent en place des politiques libérales qui accroissent le rayonnement économique des États-Unis d’abord, et des pays riches en général (Chine comprise). La République Populaire de Chine forme ses cadres avec des Masters of Public Administration (MPA) issus de Harvard. Et ne parlons pas des Master of Business Administration (MBA) qui, partout dans le monde, ne sont que des décalques des MBA américains.

                La connaissance, la maîtrise de sa production et de sa diffusion, est-elle suffisante pour fabriquer de la puissance géopolitique ? L’exemple des États-Unis montre qu’à l’évidence ce n’est pas le cas. Pour 5% de la population scolarisée dans le monde (Primaire, Secondaire et Universitaire), les États-Unis réalisent 30% des dépenses mondiales d’éducation. Le cyberespace est détenu par leurs entreprises (Les GAFAM), leurs universités sont si attractives que les plus prestigieuses accueillent sur leurs campus 50% d’étrangers. Les Prix Nobels sont quasiment tous employés aux États-Unis (274 lauréats sont d’origine américaine sur 950 soit 29% sans compter les Prix Nobels venus s’installer aux États-Unis après réception de leur prix…. Et pourtant. La Chine, dépendante encore de la technologie américaine voire de la technologie de leurs alliés (Semi-composants taïwanais pour les Smartphones), n’est pas sensible à la contrainte américaine. En Mer de Chine méridionale elle mène une politique impériale qui menace les intérêts des proches alliés américains (Corée, Philippines, Taïwan, Japon), au Tibet avec ses projets de sinisations de l’Himalaya, dans le Xinjiang avec la répression contre les Ouïghours, à Hong Kong avec la répression contre les mouvements pro-démocratie, la Chine est maître du jeu. Elle stoppe les projets de condamnation du coup d’État en Birmanie (2021). Les régimes politiques des pays mis sous embargo par les États-Unis (Corée du Nord, Cuba, Iran, Venezuela) sont toujours en place, parfois depuis plus de 70 ans (Corée du Nord) ou 60 ans (Cuba). Ces pays sont devenus plus industrialisés, plus riches (Iran) et plus puissants (La Corée du Nord possède l’arme atomique) qu’ils ne l’étaient avant leur mise sous embargo. La technologie américaine n’a pas empêché les défaites militaires (Vietnam, 1975) voire des effets contraires (Le basculement de l’Irak dans la sphère chiite de l’Iran). Des régions entières du monde se sont détachées de leur influence américaine ou ont vu celle-ci se réduire : le cas de l’Amérique latine est symptomatique (Venezuela et la révolution bolivarienne pour les Amériques de CHAVEZ). Leur défaite en Syrie récemment montre que le jeu des alliances impériales héritées des logiques d’alliances géopolitiques du XIXe siècle (L’alliance de circonstance entre la Chine, la Turquie, l’Iran et la Russie) compte plus que tout Soft power et Smart Power réunis peuvent faire. La puissance (Capacité de contraindre et d’échapper à la contrainte) ne se limite pas à des capacités de projection militaire théoriques (Dans ce domaine, les États-Unis ne sont égalés par personne), des PIB ou des IDH ou des classements internationaux flatteurs : la puissance nécessite d’être capable de produire un discours pour le Reste Du Monde (RDM) qui inscrit votre projet pour le monde au cœur des autres projets internationaux : et les États-Unis ne sont, depuis bien longtemps, plus crédibles dans le domaine de l’idéologie. Plus personne ne pense le modèle américain comme un horizon désirable pour le monde.

                La connaissance est donc un enjeu géopolitique car elle est une composante importante de la puissance, mais elle n’est pas le fondement de la puissance. La propriété de la puissance semble être un enjeu géopolitique et politique de plus grande ampleur : on peut s’interroger aussi sur la fascination exercée par la maîtrise de la connaissance technique et scientifique. N’est-elle pas un fondement en trompe l’œil de la puissance, puisque passagère par définition ?

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