COMPOSITION Histoire Première « La fin des totalitarismes. »

COMPOSITION

 La fin des totalitarismes. 

Vous montrerez à travers les études de la dénazification en Allemagne et le procès de Nuremberg d’une part et l’étude de l’action de Gorbatchev, de la Glasnost jusqu’à la disparition de l’URSS, comment peuvent s’opérer, pour les sociétés et leur État, la sortie des régimes totalitaires.  

                 Parce que les régimes totalitaires s’attachent à déresponsabiliser les populations et à anéantir la conscience individuelle, et parce qu’ils imposent une vie schizophrénique entre ce que pense les citoyens et leur paraître en société, sortir du totalitarisme ne peut se limiter à la disparition juridique des régimes totalitaires. Il s’agit d’un processus de mise à nu de la vérité et des responsabilités des uns et des autres dans la naissance et la survie du système totalitaire. Trois moments, l’étude du procès de Nuremberg, puis celle de la dénazification en Allemagne, et celle de la fin de l’URSS, permettront de montrer les mécanismes et les conditions de la sortie du totalitarisme.

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                Le procès de Nuremberg (Allemagne, 1945-1946) est l’épisode emblématique de la dénazification en Allemagne, mais celle-ci commence dès la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) et se poursuit bien au de là. La destruction du régime nazi est un des buts de guerre assumés et proclamés par les Alliés dès la naissance des Nations Unies (1941). Il est réaffirmé constamment durant les grandes conférences interalliées et plus particulièrement lors de la conférence de Yalta (Crimée, URSS, février 1945) entre STALINE, ROOSEVELT et CHURCHILL qui détermine le sort de l’Allemagne après la victoire, et lors de la conférence de Potsdam (Banlieue de Berlin, Allemagne, août 1945) entre STALINE, TRUMAN et ATTLEE qui fixe les modalités de l’occupation des territoires libérés. Ce sont les « 3 D » (Démilitariser le régime, dénazifier la société, décartelliser l’économie). La Conférence de Londres fixe les statuts du Tribunal Militaire International de Nuremberg (TMIN, Statuts validés par la Conférence de Potsdam). C’est le volet punitif de la dénazification qui s’ouvre avec ce procès qui est le premier procès de la justice pénale internationale. La Conférence de Londres détermine les trois grands chefs d’inculpation : crimes contre la paix (Notion élaborée pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1919, et inscrite dans les textes du Traité de Versailles et du Pacte de la SDN, 1919), les crimes de guerres (Notions élaborées progressivement au XIXe siècle et connue par le biais de ce qu’on nomme par commodité les « Conventions de Genève ») et les crimes contre l’humanité, notion élaborée pendant la Seconde Guerre mondiale par les juristes américains. L’article 8 est un des plus importants : il stipule que « […] Le fait que l’accusé a agit conformément aux instructions de son gouvernement ou d’un supérieur hiérarchique ne le dégagera pas de sa responsabilité. […] ». Désormais les fonctionnaires civils et militaires sont individuellement responsables des crimes commis sur ordre de l’État. C’est sans doute une des avancées majeures en termes de justice pénale internationale. Cet article permet de mettre chaque citoyen en face de ses responsabilités individuelles face à des régimes totalitaires qui justement tendaient à déresponsabiliser les individus en les noyant dans un collectif aveugle. C’est la procédure anglo-saxonne (Interrogatoires et contre interrogatoires à la barre) qui est retenue pour instruire et juger : le rôle des pièces à conviction est donc central dans une procédure qui ne laisse que peu de place aux aveux (Au contraire de la procédure française ou soviétique dite « inquisitoriale ») et doit établir la preuve du crime par une démonstration du mécanisme des crimes. Les quatre grands alliés (États-Unis, France, URSS et Royaume Uni) désignent chacun un juge, les prévenus disposent d’avocats militaires américains (Qui conseillent sur la procédure) et d’avocats allemands, s’ils le désirent. Sont jugés à Nuremberg les inspirateurs des crimes (Civils et militaires) et les organisations qui les ont commis ou facilités : ce sont d’abord les chefs militaires (Commandants des trois armes comme GÖRING pour l’aviation et DÖNITZ pour la marine, et les chefs d’État-major comme KEITEL, chef de l’OKW). Ce sont ensuite les membres du gouvernement (Comme RIBBENTROP, Ministre des Affaires Étrangères, ou SPEER, Ministre de l’Armement). Ce sont ensuite les administrateurs des pays occupés et martyrisés (Comme FRANK, pour le Protectorat de Bohème-Moravie). Mais les organisations sont aussi poursuivies : la SS, responsable du Service Central de Sécurité du Reich (RSHA) et maître d’œuvre de la politique de répression et d’extermination), le parti nazi (NSDAP) et la GESTAPO (police politique). Les preuves viennent essentiellement des organisations criminelles ou des membres de ces organisations : les photos des Einzatzgruppen (« Shoah par balles »), les photos des SS Totenkopf (Gardiens des camps de concentration et d’extermination), les documents d’archives administratives. Les témoins jouent un grand rôle pour incarner les documents : témoignent donc des nazis mais aussi, bien sûr, des victimes des crimes. Les sentences sont variées, ainsi RIBBENTROP Ministre des Affaires Étrangères lors du déclenchement de la guerre et architecte du dépeçage de la Pologne, est condamné à mort et pendu, tandis que son prédécesseur, VON PAPEN, est acquitté. Les militaires n’échappent pas à la mort (Par pendaison) comme c’est le cas pour KEITEL (Chef de l’OKW) et pour son adjoint JODL alors que DÖNITZ, Grand Amiral et successeur désigné d’Adolf HITLER et qui sera un éphémère Chancelier du Reich (D’Avril à mai 1945) est condamné à une peine de prison somme toute légère pour un nazi loyal.

Ce qu’on nomme « Le » procès de Nuremberg n’est que le premier d’une longue série de procès (Dont les « 12 procès successeurs » de Nuremberg, 1945-1948) menée d’abord par le TMIN (procès des médecins, 1946) puis par les autorités allemandes (En 1964 plus de 700 enquêtes aboutissent à des condamnations) et par les autorités des pays occupés : c’est le cas du procès de Rudolf HÖSS, ancien commandant du camp d’Auschwitz-Birkenau de 1941 à 1943 et maître d’œuvre du gazage au Zyklon B, jugé en Pologne et pendu en 1947 sur les ruines d’Auschwitz. Pendant vingt ans, régulièrement et méthodiquement, les différents acteurs du régime nazi sont jugés et condamnés. Les procès durent encore car les crimes contre l’humanité (Qui sanctionnent plus particulièrement la destruction des juifs et des Tziganes d’Europe) sont imprescriptibles (Les poursuites ne s’éteignent pas avec le temps) : EICHMANN sera jugé à Jérusalem (1962), Klaus BARBIE, responsable de la GESTAPO à Lyon et assassin de Jean MOULIN (Créateur du Conseil National de la Résistance, CNR) est jugé dans les années 1990’. Mais ces procès camouflent le profond processus de dénazification mené par les Allemands eux-mêmes : les résistants allemands jouent un rôle déterminant dans la renaissance de la démocratie en Allemagne. Konrad ADENAUER, maire de Cologne, et son parti, la CDU, mènent campagne pour les élections municipales (1945) et la Loi fondamentale (1949) sanctionne l’ancrage démocratique du pays : l’article 1er proclame ainsi « […] La dignité de l’être humain est intangible. Tous les pouvoirs ont l’obligation de la respecter et de la protéger. […] » tranche évidemment avec les méthodes nazies. Les premières méthodes des Alliés (Visite obligatoire des camps de concentration par les riverains, mobilisation des civils pour enterrer les corps des victimes du système concentrationnaire) étaient brutales et ne tenaient pas compte de la participation allemande à la résistance au nazisme (La « Rose blanche » de Hans et Sophie SCHÖLL) l’épuration reste modérée et partielle. Si plus de 900,000 Allemands sont poursuivies par les commissions de dénazification jusqu’en 1949 (La dénazification s’arrête en 1948 en zone soviétique) plus de 33% des procédures sont suspendues, et 50% reprennent leur emploi et une vie normale lors de la création de la République Fédérale d’Allemagne (RDA). Seules les catégories 1 (Principaux coupables, 1,600 personnes) et 2 (Coupables, 22,000 personnes) entrainent des peines de prisons. Soit 2,5% des procédures engagées. Finalement la solidité actuelle de la vie démocratique en Allemagne est la preuve éclatante de la réussite du processus de sortie du totalitarisme.

Il en va autrement de la sortie du totalitarisme en URSS. Elle ne se limite pas à la magistrature de Mikhaïl GORBATCHEV (1985-1991) mais celui-ci incarne les volontés de réformes du système soviétique. Nikita KHROUCHTCHEV (1953-1965) avait déjà, lors du XXe Congrès du Parti Communiste de l’Union Soviétique (PCUS, 1956) assuré la déstalinisation, c’est-à-dire la condamnation des crimes de masse perpétré par STALINE (1929-1953). Dès la fin des années 1970 les responsables du PCUS tentent des réformes (Rapport ANDROPOV, 1979). Mais le régime englué dans la gérontocratie et paralysé par le complexe militaro-industriel freine le processus (1979-1986, Guerre d’Afghanistan). En 1985 la faillite du système devient criante (Une faillite que la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986 révèlera au monde). La première différence avec la sortie du totalitarisme allemand c’est qu’en URSS ce sont les dirigeants du régime totalitaires eux-mêmes qui assurent sa réforme. Il ne s’agit en aucun cas pour eux de mettre fin au système mais de l’amender pour lui permettre de survivre. Il y a là une ambigüité originelle qui explique largement l’échec partiel du processus. GORBATCHEV souhaite assouplir le système soviétique sans trahir l’idéologie communiste. Il met en œuvre deux réformes majeures, la Pérestroïka (Libéralisation) et la Glasnost (Transparence et responsabilité de l’État). Mais rapidement la libéralisation de l’économie fait apparaître le chômage (Alors inconnu en URSS) et l’inflation, paupérisant les classes populaires, déjà laissées pour compte d’un régime totalitaire qui choyait sa nomenklatura (L’élite sociale et politique) et les apparatchiks (Les cadres du Parti). La liberté de la presse permet la critique d’un régime considéré comme trop tiède par les couches populaires et trop réformateurs par les conservateurs. Elle permet aussi d’amplifier le ressentiment social et donne du grain à moudre aux ultras comme aux conservateurs. Les concessions de GORBATCHEV sur la scène internationale (1988 réduction des forces stationnées en Europe de l’Est, fin de la guerre d’Afghanistan, accords de désarmement avec les États-Unis) apparaissent comme des trahisons. La chute de la RDA (1989) et son rattachement à la RFA (1990) montrent au peuple qu’un changement de régime est possible et aux conservateurs qu’il faut réagir pour sauver un système qu’ils accusent GORBATCHEV de brader. La suite des événements est confuse : un putsch clownesque (août 1991) marginalise GORBATCHEV et met sur le devant de la scène Boris ELTSINE, président du Soviet Suprême de la République Fédérative de Russie, acclamé comme un sauveur des réformes mais vrai apparatchik. Sous l’impulsion de l’Ukraine, de la Russie et de la Biélorussie l’URSS est démantelée. Mais ce sont des caciques du Parti et de l’appareil de sécurité (Comme Vladimir POUTINE directeur du KGB de Leningrad) qui contrôlent les républiques émancipées ! GORBATCHEV est ainsi acculé à la démission (25 décembre 1991). Le système soviétique totalitaire survit cependant largement dans les ex-républiques soviétiques, comme les pratiques politiques le montrent : violence de masse (Tchétchénie), culte de la personnalité (Kazakhstan), privation des libertés (Biélorussie, Russie), manipulation des élections (Arménie, Géorgie).

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                La sortie du totalitarisme en Allemagne a été une réussite car elle s’est faite en toute transparence et en toute sincérité. En URSS les dirigeants du régime soviétique se sont seulement trouvés des habits neufs !

© Erwan BERTHO (2013, 2014)

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COMPOSITION HISTOIRE corrigée 8 La fin des totalitarismes

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