DEVOIRS & CORRECTIONS COMPOSITION HISTOIRE – Les mémoires de la Guerre d’Algérie

Corrigé élève

COMPOSITION

Histoire et mémoires de la Guerre d’Algérie. 

À l’aide de l’étude de cas vue en classe, vous montrerez comment l’historien a renouvelé la connaissance de la Guerre d’Algérie. 

                La Guerre d’Algérie (1954-1962), appelée en France « opérations de maintien de l’ordre » jusqu’en 1999, reste un traumatisme sur les rives Nord comme Sud de la MéditerranéeEn effet, cette guerre coloniale fut le théâtre de violences et d’horreurs dont les répercussions modifièrent jusqu’aux institutions mêmes de la république française. À l’issue de cette guerre, différentes mémoires d’acteurs et de témoins se mirent en place progressivement, chacune étant tributaire de sa communauté d’origine (Harkis, Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie, FNACA, « Pieds Noirs », immigrés algériens…).

                En quoi le travail de l’historien est-il nécessaire pour renouveler la connaissance de la Guerre d’Algérie alors que les histoires officielles des deux États comme les mémoires en conflits des différents acteurs en parasitent parfois le travail, tout en restant un matériau inappréciable pour lui ?

                Nous verrons tout d’abord que les mémoires sont incomplètes, modifiées par rapport au récit critique des historiens voire très éloignées de la réalité. Nous verrons ensuite comment l’histoire critique, processus nécessaire pour connaître la vérité, s’élabore en fonction des différentes conditions sociales et politiques qui l’entourent.

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                                De 1962 au milieu des années quatre-vingt, le travail de mémoire est quelque peu altéré par la disqualification des groupes porteurs de mémoires.

En effet les harkis, considérés comme des traîtres en Algérie, sont en France la preuve vivante de la défaite pour les uns, de la « sale guerre » pour les autres. Ils se murent dans un silence de près de trente années. Les militaires, appelés du contingent ou parachutistes professionnels, conscients des atrocités vues, parfois commises, se taisent le plus souvent. Les musulmans d’Algérie ayant immigré en France, conscients du paradoxe de leur situation (Citoyens d’un pays fraîchement et douloureusement indépendant et sitôt quitté), ne livrent aucun témoignage public. Plus encore que cette disqualification, la France est, en 1962, déjà engagée dans les « Trente Glorieuses » (Jean FOURASTIÉ, Les « Trente glorieuses » ou la révolution silencieuse, 1979, Paris, Fayard) et préfère la quiétude de la croissance économique que le désarroi des témoignages sur les horreurs de la Guerre d’Algérie : les Français n’ont pas massivement envie de savoir. En sus, la réussite du couple franco-allemand, si improbable en soit, est érigée en priorité n°1. La Guerre d’Algérie est, à ce moment là, bel et bien enterrée.

                Cependant, et ce même en dépit des maigres témoignages, la France confisque l’histoire de la guerre. Quatre lois d’amnistie sont promulguées entre 1962 et 1982, symbole d’une volonté d’oubli plutôt que de pardon. Le film de Gillo PONTECORVO, La bataille d’Alger (1965), est censuré. En Algérie la mémoire est confisquée d’une autre manière, par le monopole d’État sur le souvenir de la guerre. La mémoire supplante les mémoires. La mémoire doit être commune à tous : au sortir de la guerre, la dictature (1965) organise une hyper-commémoration mémorielle. L’histoire officielle, qui passe sous silence les différents affrontements au sein de la population algérienne pendant la guerre, notamment entre le Front de Libération Nationale (FLN) et le Mouvement National Algérien (MNA), inscrit la glorification des combattants de l’Armée de Libération Nationale (ALN) dans le paysage urbain, comme à Alger, dans le quartier d’El Madania (Musée des Mujahid), où l’architecte Bachir YÉLLES ne retient de la résistance à la colonisation que les membres de l’armée du FLN. Les dirigeants politiques de l’Algérie contemporaine, tous issus du FLN ou de l’ALN, tels BEN BELLAH (1962-1965) ou BOUMEDIENE (Et les militaires après 1965) voire BOUTEFLIKA ont tous un intérêt politique à court terme pour présenter le FLN comme l’unique acteur de la « Guerre de Libération ».

                Cependant, la volonté de faire entendre d’autres témoignages que ceux proposés par l’État existe : C’est ainsi que Mohammed HARBI (1980), dont la position est au départ quelque peu ambigüe puisse qu’il est à la fois témoin (Ancien du MNA et du FLN) et historien (Auteur notamment de Le FLN : entre mirages et réalités), évidemment censuré en Algérie qu’il a fuit après y avoir été emprisonné, publie assez ironiquement en France. Il tente d’offrir aux citoyens algériens des réponses, des informations, de la documentation (1982, Les archives de la révolution algérienne, Paris, éditions du Jaguar / Jeune Afrique).

                               En revanche, après 1982, et avec l’ouverture des archives en France, la volonté d’élaborer une histoire critique est soutenue et apporte même le renouvellement des témoignages sur la guerre d’Algérie. 

                Cette volonté, louable, se heurte aux communautés, dont les mémoires ne peuvent être que différentes de ce que l’histoire critique peut proposer. Ainsi les « Pieds Noirs » (Colons d’Algérie) ont toujours considéré leur rapatriement en France comme humiliant et bâclé par les autorités, estimant avoir été délaissés. L’histoire critique, elle, insiste sur les efforts financiers consentis par la métropole pour les reloger. Par ailleurs, l’ouverture des archives en France avive aussi une importante concurrence mémorielle entre les groupes porteurs de mémoires. Cependant cette concurrence mémorielle dynamise aussi les historiens, pressés de séparer le bon grain de l’ivraie : les généraux d’Algérie (Comme Aussaresses, Massu, Bigeard) sont sommés de reconnaître leurs crimes, exprimant souvent leurs regrets d’avoir couvert, voire encouragé la torture… ROTMAN dans L’ennemi intime interroge à parts égales tous les types d’acteurs de la guerre, les bourreaux et les victimes des deux camps, permettant de mieux saisir les dilemmes et les complexités d’une guerre qui apparaît ainsi comme une véritable guerre civile. Les efforts des groupes porteurs de mémoires et des historiens aboutissent en 1999 à faire reconnaître cette guerre comme une vraie guerre, « la guerre d’Algérie et les combat de Tunisie et du Maroc », avec les droits afférents pour les anciens combattants par exemple. En 2002 est érigé un monument aux morts dédiés à toutes les victimes de la guerre d’Algérie, et des combats de Tunisie et du Maroc. BECCARIA dans sa biographie Hélie Denoix de Saint Marc avait ramené la figure honni des parachutistes d’Algérie, putschistes et longtemps considérés comme des fascistes, à leur troublante et complexe humanité.

                En Algérie, les dirigeants politiques issus du FLN desserrent le carcan de l’histoire officielle et réintègrent le MNA des partisans de Messali HADJ dans l’histoire de la guerre de libération. Mais juste considéré comme un précurseur de la guerre Messali HADJ n’en n’est pas fait un des acteurs majeurs. L’histoire critique en Algérie s’arrête aux portes de la guerre. Si l’Algérie n’a connu que la dictature depuis 1962, ce n’est pas le cas de la France : or tous les présidents algériens sont issus des rangs du FLN, ce qui empêche toute histoire critique sur la période. Les relations franco-algériennes sont encore entachées par cette période : le traité d’amitié (2005) n’est pas encore ratifié…

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                               Ainsi, nous avons vu que chaque communauté possède et propose sa propre mémoire de la guerre d’Algérie. Le travail des historiens, écrire une histoire critique, englobant tous les acteurs et toutes les communautés, ne peut que venir en opposition avec ces mémoires partielles et donc partiales. Par ailleurs, et le cas de l’Algérie l’illustre bien, il ne peut y avoir d’histoire critique sans démocratie : de plus, et ce ne fut pas le cas en 1962, il faut que la population soit disposée à entendre une histoire qui est amenée à la critiquer. Nous sommes 20 ans après le génocide du Rwanda (1994) : l’opération turquoise verra ses archives ouvrir bientôt. Faut-il croire que l’histoire de ce crime soit aussi chaotique et longue à établir que fut longue à écrire l’histoire de la guerre d’Algérie ?

© Paul – Vincent BOURGAREL (2014)

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