DEVOIRS & CORRECTIONS – Correction d’analyse d’un document, « El Tres de Mayo de 1808 » de GOYA

DEVOIRS & CORRECTIONS

Correction d’analyse d’un document

Sujet 2 – Analyse rédigée et argumentée d’un document.

À l’aide de vos connaissances, des éléments du document et des informations du cours, vous montrerez dans quelles mesures on peut affirmer que le tableau de Goya, El tres de Mayo, illustre les conséquences de l’action de Napoléon Ier en Europe ? 

Document. « El tres de Mayo, tableau du peintre espagnol GOYA. »

                                Le document intitulé « El tres de Mayo, tableau du peintre espagnol GOYA » présente un des épisodes de la guerre d’Espagne et de sa répression en 1808 par les troupes de MURAT. C’est une dénonciation des crimes de guerre commis par l’armée française en Espagne et l’exaltation du courage de la Nation espagnole face à l’envahisseur.

                NAPOLÉON Ier (Consul puis empereur des Français de 1799 à 1815) envahit l’Espagne en 1806 et place son frère au pouvoir. Une guerre civile commence immédiatement, cette guerre oppose l’armée française à des armées espagnoles favorables aux Bourbons d’Espagne détrônés, à l’armée anglaise qui débarque au Portugal mais aussi à la population qui mène une guérilla. En 1808, l’Empire français est à son apogée : l’Autriche et la Russie ont été vaincues en 1805 après la bataille d’Austerlitz, la Prusse en 1806 après la bataille d’Iéna, la Pologne est occupée et partagée avec la Russie. Le royaume des Deux-Siciles devient le royaume de Naples sous le gouvernement de MURAT, un fidèle de NAPOLÉON Ier. GOYA, peintre officiel de la cour espagnole, est un des artistes majeurs du tournant entre le XVIIIe et le XIXe siècle : capable du plus grand académisme (Portrait du duc d’Alba, 1795), des toiles les plus osée (La Maja desnuda, 1797) ou des toiles les plus audacieuses par leur composition dont El Tres de Mayo de 1808 (1814) qui fait incontestablement partie de cette dernière catégorie.

                El tres de Mayo illustre une partie des conséquences de l’action de NAPOLÉON Ier en Europe mais en occulte une autre : l’Empire a été aussi le ferment d’une puissante modernisation politique et idéologique avec la diffusion d’idéaux progressistes et notamment l’idée de Nation.

                El Tres de Mayo de Goya illustre l’action militaire de NAPOLÉON Ier en Europe et ses conséquences, la naissance, contre lui, d’un sentiment national dans les pays occupés. Mais l’action réformatrice et modernisatrice de l’Empire constitue aussi une composante majeure de l’action de NAPOLÉON Ier en Europe dont le tableau ne témoigne pas.

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Le tableau de GOYA, El Tres de Mayo de 1808, par sa force picturale et donc politique, condamne sans appel l’action militaire impériale en Espagne. À travers cette œuvre c’est toute l’action militaire de conquête de NAPOLÉON Ier qui est condamnée.

                L’œuvre de GOYA, El Tres de Mayo de 1808, révolutionne l’art mais aussi la manière avec laquelle les peuples se voient comme acteurs voire héros de l’histoire. Le tableau est novateur d’abord par le refus de GOYA de traiter les personnages avec le réalisme académique en vigueur au XVIIIe siècle. Les personnages de face sont grossièrement dessinés, les couleurs sont tranchées (Halo de lumière au centre du tableau), l’essentiel des personnages est de dos (Soldats assassins). La plupart des personnages n’ont pas de visages : ils se le cachent avec les mains, sont dans l’ombre ou de dos. Les partis pris picturaux de GOYA sont proprement révolutionnaires. La guerre d’Espagne, qui concerne en fait les campagnes de Portugal et d’Espagne, fait au moins 300 000 morts du côté espagnol, peut-être autant du côté français : encore faut-il préciser que les estimations, lors des guerres civiles où les victimes des répressions et des coups de mains sont rarement comptabilisées, ne peuvent être que très approximatives. Cependant, GOYA, en rassemblant devant ce peloton d’exécution des jeunes, des civils, des prêtres fait de cette guerre une guerre nationale. L’héroïsme du jeune Espagnol reflète une réalité historique certaine, de même que l’Église (Présence du prêtre) qui a été un moteur de la résistance, au moins parce que les Français étaient considérées comme athées.

                La période 1799-1815 qui voit la France, et une partie de plus en plus importante de l’Europe de l’Ouest, dirigées par NAPOLÉON Ier est marquée par des guerres et par une politique d’expansion territoriale certaine. Pourtant, certaines de ces guerres furent subies. Incontestablement, NAPOLÉON Ier fut un chef de guerre et ne dédaigna jamais d’entrer en guerre pour résoudre des questions de politique internationale. Soldat de métier, artilleur lors des grandes batailles de la Révolution (Toulon, 1793), général victorieux en Italie (1797), il sait manier de grandes masses d’hommes : la campagne de 1805 est encore étudiée dans les écoles de guerre. Jusqu’en 1812 et la campagne de Russie, les victoires s’enchaînent. Mais ces guerres subies par les coalitions successives (Financées par l’Angleterre comme la IIIe coalition de 1805) ou voulues (Comme la tragique campagne de Russie 1812-1813) ont un coup humain et moral. Sur le plan humain, les batailles sont de plus en plus coûteuses en vies humaines : au final, entre 1799 et 1815, près de deux millions d’hommes meurent sur les champs de bataille, toutes nationalités confondues. Sans doute autant de civils. Les Allemands appellent NAPOLÉON Ier « L’ogre ». Elles ont un coup moral : partout les nationalismes ne constituent contre les armées françaises : en Espagne bien sûr comme en témoigne GOYA, en Bavière avec le héros populaire Andreas HOFFER. Si ces rébellions sont souvent écrasées, certaines réussissent (Haïti, 1802 avec DESSALINES et TOUSSAINT-LOUVERTURE), toutes ternissent le crédit de la France. À cet égard le Tres de Mayo est révélateur du déclin de l’aura de la France en Europe.

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                               Pourtant, l’action napoléonienne en Europe ne se résume ni ne se réduit à la conquête militaire : la diffusion des idéaux révolutionnaires, la progression de l’idée de nation qui s’oppose à une conception patrimoniale du pouvoir, le Code Civil sont autant de réalisations exportées en Europe grâce à NAPOLÉON Ier.

                L’aventure napoléonienne, pour militaire qu’elle fut, entraîna une profonde modernisation des institutions et de la pensée politique dans toute l’Europe où les armées impériales combattirent. La société d’ordre fut souvent mise à bas, l’empire entraîna le développement d’une administration centralisée qui favorisa la diffusion d’une monnaie unique et d’un droit unique, incarné par le Code Civil, voire le Code pénal. Dans la plupart des « républiques sœurs » (Y compris dans la Confédération helvétique) puis dans les royaumes associés à la France (Espagne, Naples, Confédération du Rhin, Hollande…), NAPOLÉON Ier met à bas les privilèges de la noblesse, établit un droit uniforme pour les habitants en s’inspirant des dispositions du Code civil, met fin aux pratiques pénales désuètes et cruelles du XVIIIe siècle (Code pénal), uniformise les systèmes des poids et mesures et de la monnaie, à l’instar de ce qu’il a fait en France. La déposition des souverains coutumiers peut être mal vue (Espagne, Hollande) car les rois mis en place par NAPOLÉON Ier peuvent être inégalement compétents (Ses frères furent de médiocres souverains) mais certains (MURAT à Naples) furent appréciés. La Pologne devenue un Grande Duché retrouva une forme d’indépendance perdue depuis le XVIIIe siècle. Toutes ces mesures n’allaient pas de soi dans une Europe où les particularismes locaux étaient encore très forts : le Français, le Castillan, l’Anglais, le Russe n’étaient que des langues urbaines, l’Italien n’était pas encore fixé, les élites parlaient toutes le Français ! L’idée d’une uniformisation des us et coutumes semblait proprement révolutionnaire et dangereuse.

                L’idée même de Nation et sa diffusion en Europe, idée qui sera le terrain des principaux bouleversements politiques en Europe au XIXe siècle, est en grande partie un héritage de la Révolution française, héritage que les grognards de la Grande Armée, souvent des vétérans des guerres révolutionnaires, se sont plus à diffuser. L’Europe qui se ligue contre NAPOLÉON Ier n’est pas celle du XVIIIe siècle. Depuis les guerres de la Révolution (1792-1799) et celles de l’Empire (1799-1815) quelque chose a changé en Europe. Les peuples se définissent en tant que nation à la suite des Français : les Espagnols, les Belges par exemples fortifient leur sentiment d’unité nationale au feu des batailles qu’ils mènent contre l’armée impériale. Les jeunes Allemands présents à la bataille de LEIPZIG (1813) ont grandi dans le principe de Nation alors qu’une dizaine d’États divisent encore le peuple allemand. En Russie, les jeunes officiers qui poursuivront les armées françaises jusqu’à Paris reviendront avec les idées neuves de représentation politique, de débat et de modernisation sociale. Certes, le Congrès de Vienne (1815) scelle le triomphe de la réaction conservatrice. En France les BOURBONS (LOUIS XVIII et CHARLES X) se comportent de plus en plus comme des monarques absolus mais la Révolution de 1830 met fin à la monarchie absolue. En Belgique, l’unification avec la Hollande (1815, Royaume Uni des Pays-Bas) ne tient pas et dès 1830 la Révolution amène la création du Royaume de Belgique. En Espagne (1820-1823) une junte libérale nourrie des idéaux révolutionnaires français prend le pouvoir … avant d’en être chassée grâce à l’intervention des armées françaises de Louis XVIII. C’est finalement en Amérique du Sud que les révolutionnaires prennent le pouvoir, se réclamant de l’idée de nation !

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                               El Tres de Mayo de GOYA (1808) est devenu une icône mondiale dénonçant les crimes de répression politique : MANET en reprend les codes dans L’exécution de Maximilien (1868-1869), YUE Minjun également dans L’Exécution (1995). La force spirituelle et picturale de ce tableau a écrasé la geste napoléonienne, uniformément réduite à une série de campagnes militaires répressives. Pourtant, paradoxalement, le nationalisme dont les Espagnols vont se prévaloir, avec l’ensemble des peuples européens, tout au long du XIXe siècle, est un pur produit de l’action militaire napoléonienne…

© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2019).

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