PRÉPA BAC – Sujets corrigés – Analyse critique d’un document d’Histoire »Le Congrès de Bad Godesberg, 1959, Pondichéry, 2016. »

PRÉPA BAC – HORIZON ÉTUDES SUPÉRIEURES

Correction des sujets

Pondichéry 2015, Étude critique d’un document d’Histoire

DEUXIÈME PARTIE

Étude critique d’un document d’histoire

Sujet – Le socialisme en Allemagne

Consigne : montrez que ce document témoigne des héritages et des transformations du projet politique du SPD jusqu’à la fin des années 50.

Pourquoi le contexte dans lequel ce programme est adopté permet-il de comprendre cette évolution ?

                 Le document intitulé « Le programme du SPD après le congrès de Bad Godesberg » (Bernard LACHAISE, Documents d’histoire contemporaine, volume 2 Le XXe siècle, Presses Universitaires de Bordeaux, 2000) est un extrait de l’acte final du congrès du Parti Social-démocrate allemand (SPD) qui s’est tenu dans la ville allemande de Bad Godesberg en 1959. Lors de ce congrès célèbre, le SPD (Fondé en 1891 lors du Congrès d’Erfurt) abandonne officiellement la doctrine marxiste, cesse d’être un parti révolutionnaire pour devenir ce qu’on appelle un parti social libéral. C’est-à-dire un parti promoteur d’une politique sociale, mais dans le cadre d’un capitalisme libéral, tempéré par la lutte contre les excès du capitalisme. C’est lors de ce congrès que le SPD adhère à la mise en place en Allemagne de la go-gestion des entreprises, une des formes d’atténuation des excès du libéralisme.

                C’est dans le contexte de la « Guerre froide » (1947-1991) et de la bipolarisation du monde que se tient se congrès qui marque un tournant dans l’idéologie du SPD. Depuis 1945 et la fin de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945 en Europe), l’Allemagne est sous occupation militaire des Alliés (États-Unis, France, Grande Bretagne, et Union des Républiques Socialistes Soviétiques, URSS). L’Allemagne est formée de deux États (1949) depuis la crise du « blocus de Berlin Ouest » (1948-1949), la partie Ouest devenant la République Fédérale d’Allemagne (RFA) capitaliste et alliée des États-Unis, et la partie Est devenant la République Démocratique Allemande (RDA) d’obédience communiste et alliée de l’URSS. En RDA, le SPD et le Parti Communiste Allemand (KPD) ont été fusionnés de force par l’URSS pour former le SED, parti unique. Dans ce contexte, le SPD en RFA est doublement marginalisé : marginalisé par sa doctrine marxiste (héritée du programme de Gotha et du programme de Heidelberg, 1925) et qui, du fait de la bipolarisation du monde, en fait un parti de l’étranger, voire de l’ennemi. Marginalisé aussi par ses échecs électoraux : en 1957, la démocratie chrétienne (CDU) du chancelier Konrad Adenauer a même obtenu la majorité absolue au Bundestag. Pour le SPD, provoquer une rupture idéologie tient autant de l’attachement à la RFA que de la stratégie de survie politique.

                On peut effectivement affirmer que le programme de Bad Godesberg constitue une rupture idéologique dans l’histoire du SPD, riche de près d’un siècle de traditions politiques socialistes. Dans quelles mesures peut-on affirmer, cependant, que le programme de Bad Godesberg constitue un ralliement et non un reniement : les ambitions sociales initiales du projet socialiste sont-elles préservées ?

                Les extraits sélectionnés permettent de montrer quelles sont les nouvelles orientations idéologiques (I.) qui constituent le projet politique du SPD, d’analyser les motivations affichées par le parti et de voir quelles sont les contreparties attendues (II.) par le SPD pour adhérer au système libéral capitaliste.

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                Les extraits sélectionnés de l’acte final du congrès de Bad Godesberg permettent d’abord de montrer quelles sont les orientations idéologiques qui constituent le projet politique du SPD : adhésion à la démocratie libérale (1), adhésion à la RFA et à son insertion dans le système américain (2) d’alliances européennes, adhésion enfin à un capitalisme libéral à condition qu’il soit tempéré par une ambition sociale (3).

Le SPD depuis sa création est divisé entre une famille favorable à sa participation à la démocratie libérale, le courant réformiste, et une autre, révolutionnaire, hostile à la démocratie libérale (considérée comme un régime bourgeois et qui ne peut donc servir que les intérêts de la bourgeoisie). Le courant révolutionnaire au XXe siècle se constitue officiellement au sein du SPD avec la publication des Lettres de Spartakus rédigées par Rosa LUXEMBOURG (1916-1917) et la création de l’USPD (1917). Cette division prend des allures de véritable fracture quand l’USPD devient (1918) le Parti Communiste Allemand (KPD). Le SPD est alors au pouvoir et fait massacrer les militants communistes qui tentaient de reproduire en Allemagne la révolution russe des bolcheviks en 1917. Cette « semaine sanglante » qui voit l’assassinat de Rosa LUXEMBOURG et de Karl LIEBKNECHT (1919) scelle la division des partis ouvriers en Allemagne. À Bad Godesberg, quand le SPD proclame « […] La démocratie doit devenir la forme de l’organisation étatique généralement admise […] » (Lignes 1 & 2), il ne fait donc pas d’aggiornamento de forme, puisqu’il a toujours marqué son attachement au fonctionnement démocratique des institutions, que ce soit la « République de Weimar » (1918-1933) ou la RFA, mais il renonce ce faisant à la doctrine marxiste de « dictature du prolétariat » (Manifeste du Parti communiste, 1848, Karl MARX et Friedrich ENGELS). Le Congrès de Bad Godesberg lève une autre ambigüité, celle de l’adhésion, dans le cadre de la bipolarisation du monde, du SPD à un système d’alliance européen sous l’égide des États-Unis. Là encore, le texte est explicite : le SPD « approuve » la « […] défense nationale [qui] doit être adaptée à la situation politique et géographique de l’Allemagne et donc garantir les frontières qu’il importe de maintenir […] » (Lignes 4 à 6). Comme en 1914 pourrait-on dire, le SPD vote les crédits de guerre : mais en 1959, ces « frontières » qu’il importe de « maintenir » ce sont celles héritées de 1945, de la défaite, du redécoupage de l’Allemagne par les vainqueurs, et la menace est ici soviétique. Adhérer à ces frontières fragiles c’est aussi acter qu’il existe deux Allemagne (« […] la réunification de l’Allemagne […] », lignes 7 et 8) et qu’en attendant cette nouvelle unification, le SPD soutient la RFA, alliée des États-Unis dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN, 1949, « […] permettre une défense internationale […] », lignes 6 & 7). Enfin, véritable révolution copernicienne du socialisme allemand, le SPD admet l’un des postulats libéraux les plus importants : « […] la libre concurrence et la libre initiative des entrepreneurs sont un élément important de la politique économique social-démocrate […] » (Lignes 10 à 12) et « […] le SPD approuve une économie de marché où le libre jeu de la concurrence est effectif. […] » (Lignes 15 et 16). Non seulement le SPD réaffirme son attachement maintes fois démontrée, à la démocratie libérale, mais il affirme désormais son attachement à l’économie libérale. Comment justifier un tel revirement idéologique ?

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                Quelles sont les motivations affichées qui permettent d’expliquer à sa base et à ses cadres l’abandon de près d’un siècle de doctrine marxiste ? Au nom de quelles motivations le SPD change de statut idéologique et cesse d’être un parti de classe pour devenir un « parti du peuple tout entier » (Lignes 26 & 27)?

Le SPD à Bad Godesberg réaffirme son idéal originel « […] d’apporter à tous les hommes la liberté, la justice et le bien-être […] » (Ligne 25). Or seule la démocratierepose sur le« […] respect de la dignité de l’homme et le sentiment de sa responsabilité […] » (Lignes 2 et 3). En filigrane, c’est le modèle élaboré en RDA qui est condamné. Ainsi, ce n’est pas seulement un modèle qui est accepté, celui de la cogestion et de la démocratie libérale, qu’un autre qui est rejeté : celui de la dictature et du centralisme. (« […] Une économie totalitaire ou dictatoriale détruit la liberté […] », ligne 14). Et le SPD de rejeter tout modèle qui lierait les travailleurs à une organisation politique ou syndicale obligatoire et unique : « […] L’autonomie des associations d’employeurs et de travailleurs lors de la conclusion des conventions collectives de travail représente un facteur essentiel de l’ordre libéral. […] » (Lignes 12 ; 13 et 14). Si le SPD entretient des rapports étroits et anciens avec les principales centrales syndicales allemandes, dont la Confédération des Syndicats Allemands (DGB) qui regroupe 80% des travailleurs syndiqués allemands, il rejette le modèle soviétique adopté en RDA où les travailleurs vivent dans un régime totalitaire de parti unique (SED), de syndicat unique (FDGB en RDA, qui a accepté l’interdiction de la grève, 1961) et d’employeur unique (L’État). Si le SPD peut abdiquer une partie importante de ses revendications historiques en matière de régulation du travail, c’est parce que l’Allemagne met en place un système original, la cogestion (1952). La cogestion garantit aux organisations syndicales une part dans la prise de décision économique des grandes entreprises où les syndicats occupent entre 33% et 50% des sièges des conseils de surveillance. Une revendication du SPD rappelée en début d’extrait (« […] Le sentiment de […] responsabilité […] », lignes 2 & 3) qu’il soit politique ou économique. C’est la « […] mission historique […] » (Ligne 22) que remplit le SPD : intégrer les « […] les travailleurs salariés […] » (Ligne 23) dans la prise de décision. On peut noter que dans cet extrait les expressions marxistes de « classes sociales », de « prolétariat » et ne sont pas présentes. Le SPD renoue avec la tendance incarnée à la « Belle époque » (1896-1914) par Eduard BERNSTEIN (1899, Les prémisse du socialisme et les tâches de la social-démocratie) qui déclarait « […] la social-démocratie devrait trouver le courage de se libérer d’une phraséologie dépassée […] ».

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En échange de l’abandon de la doctrine marxiste, de ses ambitions révolutionnaires et en échange de son soutien à une RFA alliée des États-Unis, le SPD maintien un certain nombre d’exigences. D’abord la volonté de voir l’État réglementer l’économie (1), ensuite la lutte pour une plus grande équité (2) au sein de la société allemande, enfin la volonté de faire participer les classes populaires aux décisions politiques (3). C’est « […] ordre libéral […] » (Ligne 14).

Le SPD résume son modèle économique par la formule « […] La concurrence dans toute la mesure du possible, la planification autant que nécessaire. […] » (Lignes 18 et 19). Car s’il faut désormais « […] préserver la liberté de l’économie […] » (Lignes 17 et 18), encore faut alors combattre la constitution des monopoles, lorsque « […] des marchés sont dominés par des individus ou des groupes […] » (Lignes 16 et 17). La « […] propriété collective […] » (Ligne 20) est toujours considérée comme « […] une forme légitime du contrôle public […] » (Ligne 20). Car l’adhésion à la démocratie libérale et au capitalisme ne signifie pas abdication des ambitions sociales. Le SPD entend « […] éliminer les privilèges des classes dirigeantes […] » (Lignes 24 et 25). La « […] protestation […] des travailleurs salariés contre le système capitaliste […] » (Ligne 23) étant toujours qualifiée de « naturelle » (Ligne 23). Mais le SPD entend devenir un « […] parti du peuple tout entier […] » (Lignes 26 & 27) s’adresse maintenant au-delà de la « classe ouvrière » (Ligne 26), visant ce qu’on appelle pas encore la classe moyenne, une population d’employés des services (Elle aussi confrontée à la standardisation et au fordisme, cette « […] mécanisation de tous les domaines de l’existence […] », lignes 28 et 29), traditionnellement peu syndiquée et effarouchée par la rhétorique marxiste que le SPD déployait alors. Il s’agit de mettre« […] au service de la liberté et de la justice […] » (Lignes 27) les « […] les forces qui ont été libérées par la révolution industrielle et par la mécanisation […] » (Lignes 27 et 28), de permettre à une classe travailleuse d’investir le champ politique et de décision économique grâce au temps libéré par la mécanisation. Dans la tradition historique d’engagement, le SPD propose donc aux travailleurs allemands d’investir en participation civique le temps offert par la mécanisation. Dans le même ordre d’idées, le SPD n’abdique pas complètement les idéaux pacifistes de la « Belle époque » (1896-1914), en rappelant que son adhésion à une politique de « […] défense nationale […] » (Ligne 4) se fait en vue de permettre « […] un désarmement contrôlé […] » (Ligne 7) et « […] la réunification de l’Allemagne […] » (Lignes 7 et 8), car le SPD de la génération de Willy BRANDT n’oublie pas que « […] [l’] ouvrier a une patrie […] » (BERNSTEIN, 1899, Op. cit.)

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                Le programme de Bad Godesberg adopté par le SPD en RFA en 1959 marque la clôture d’un clivage latent et récurrent au sein du SPD, l’existence de deux familles politiques, l’une réformiste, prête à participer aux rouages de la démocratie libérale et au système capitaliste, et l’autre révolutionnaire et hostile à tout compromis avec la démocratie (considérée comme « bourgeoise ») et avec le patronat. La « Guerre froide » a largement tranché en séparant de manière géographique et presque hermétique les deux familles. Si la stratégie du SPD ne porte pas immédiatement ses fruits, elle lui permet de réaliser des coalitions avec des formations plus à droitecomme la CDU (1966) avant d’amener Willy BRANDT au pouvoir (1969-1974). Une des conséquences du ralliement à la démocratie, qui fut interprétée comme un reniement par l’extrême-gauche, est le développement d’une branche activiste d’inspiration maoïste, dont est issue la Fraction Armée Rouge (Rote Armee Fraktion, RAF) mais aussi, plus tard, le mouvement écologiste Die Grünen.

 © Erwan BERTHO (Mai, 2016, révision 2017)

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PONDICHERY_2016_Correction_Bad-Godesberg_1959

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