Exercice d’Histoire Analyse d’un document Le FMI

SUJET.

COMMENTAIRE D’UN DOCUMENT D’HISTOIRE

« Une nouvelle organisation internationale. »

Correction

Questions :

            1.        Présentez le document (Nature, sources, contexte et problématique historique). 

                        Le document intitulé « Une nouvelle organisation internationale. » est un extrait des statuts initiaux du Fond Monétaire International (FMI) créé en 1945 dans la ligne des accords conclus dans le New Hampshire à Bretton Woods (Etats-Unis, 1944). Ces statuts mettent en place une organisation dont le but principal est d’assurer la régulation de l’économie libérale à l’échelle mondiale en assurant banques centrales et Etats de la circulation des liquidités et des changes en toutes circonstances, y compris lors de crises économiques de grande ampleur à l’échelle mondiale (crises systémiques).

            Le FMI est un des éléments de la nouvelle organisation du monde pensée par les Etats-Unis et leurs alliés. Dès l’entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés du Royaume Uni (1941) contre les forces de l’Axe (Allemagne nazie, Italie fasciste et Japon impérial) les buts de guerre sont clairement établis et rendus publics : capitulation sans condition des puissances de l’Axe, jugement des responsables de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), décolonisation, établissement d’un nouveau système de concertation internationale remplaçant la Société Des Nations (SDN, 1919) défaillante. Ce programme c’est celui des Nations Unies (1941), qui se compose d’un volet géopolitique (Réorganisation du monde), d’un volet diplomatique (Création d’une Organisation des Nations Unies, ONU, 1945) et d’un volet économique (Régulation a minima de l’économie libérale à l’échelle mondiale). Si ce volet économique est largement discuté pendant la guerre (Rapport Beveridge sur l’Etat providence, Royaume Uni, 1942 et programme du Conseil National de la Résistance, CNR, France, 1943, accords de Bretton Woods sur un système de changes fixes autour de l’étalon or-dollar, Etats-Unis, 1944) les institutions chargées de mettre ce programme en œuvre sont établies à la fin de la guerre (7-9 mai 1945).

            Quel monde émerge à la fin de la Seconde Guerre mondiale à la lecture des statuts du Fond Monétaire International ?

  1.        Vous expliquerez quelle place occupe le FMI dans la reconstruction du monde après la Seconde Guerre mondiale (1939 – 1945). Vous analyserez de manière synthétique les buts de cette nouvelle organisation. 

                        Le FMI occupe une place prépondérante dans la reconstruction du monde après la Seconde Guerre mondiale. Le FMI doit garantir au monde deux avancées majeures en matière économique par rapport à l’entre-deux-guerres : (1) un système monétaire stabilisé grâce à l’instauration de changes fixes et (2) une libéralisation du commerce par la disparition des contrôles des changes. Pour comprendre l’intérêt et la portée de cela il faut comprendre comment les Alliés entendent organiser le monde après la guerre et quels seront dans ce nouveau cadre les buts du FMI.

Les Etats-Unis dès leur entrée en guerre (1941) s’attachent à définir avec tous leurs alliés les grandes lignes de l’organisation du monde d’après guerre. Le terme des « Nations Unies » apparaît dans la « Charte de l’Atlantique » (1941) et sert déjà à qualifier les Alliés mais aussi leur alliance par delà la guerre. Car s’il faut s’allier pour gagner la guerre il faudra aussi selon les Etats-Unis s’allier pour gagner la paix. Cette idée que la paix mondiale sera un combat est une des idées fortes soutenue par les Etats-Unis. Fait majeur ils sortent de leur isolationnisme chronique. Roosevelt ne souhaite pas voir l’erreur américaine de 1920 se réitérer où après avoir élaboré le Traité de Versailles (1919) les Américains désavouèrent leur président et se replièrent sur eux-mêmes (Quotas, prohibition). Ainsi dès 1941 on pense aux modalités d’organisation de l’après guerre : les Alliés souhaitent des instances de régulations politiques (Ce sera l’Organisation des Nations Unies créée à San Francisco le 26 juin 1945) et des instances de régulation économique (Ce sera les deux institutions de Bretton Woods : le Fond Monétaire International, FMI, et la Banque Internationale de Reconstruction et de Développement, BIRD). Les instances de régulation économique sont mises en place les premières. Car si la Charte de l’Atlantique est rédigée dès 1941, ce n’est qu’à Yalta (Février 1945) qu’on s’arrête sur la conférence qui fera naître officiellement l’organisation chargée d’incarner cette charte (San Francisco, juin 1945). Or la conférence de Bretton Woods ne tient dès 1944. Soit plus d’un an avant !

Si les modalités de l’organisation économique du monde après la guerre se mettent si vite en place c’est pour deux raisons. D’abord les Alliés veulent un système économique plus stable que celui d’avant guerre. La période dite de l’entre-deux-guerres avait été caractérisée par une instabilité économique sans précédent et les crises s’était enchaînées : hyperinflation des années vingt, défauts de paiement des Etats (Dont les grandes puissances européennes) au milieu des années vingt, crise de 1929 qui ne s’estompa qu’avec l’entrée en guerre (1937-1941). Mais il y a une deuxième raison : depuis 1942 les économistes et les politiques se sont accordés sur un scénario catastrophe pour expliquer cette gigantesque conflagration mondiale qu’a été le guerre. Pour eux la misère a été le terrain de croissance et d’affirmation des fascismes qui ont ensuite comploté pour amener le monde à la guerre. La misère c’est la guerre. Protéger les hommes de la misère c’est les protéger contre la guerre. Le FMI en régulant les changes et en soutenant les Etats en difficultés financières doit protéger le monde des crises conjoncturelles qui avaient plongé les sociétés capitalistes dans une si grande misère.

Quels sont les buts de cette organisation ? Le FMI doit protéger le monde de la guerre en assurant une prospérité économique régulière. Le « […] développement et (le) maintien d’un niveau élevé de l’emploi et du revenu réel, et (le) développement des ressources productives […] » sont les objectifs premiers du FMI (Point n°2). Les rédacteurs de la Charte assoient la prospérité mondiale sur « […] l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international […] » (Point n°2) ce qui est en effet tout droit issu de la logique libérale. Mais le développement du commerce mondial ne peut assurer de croissance à long terme si les changes ne sont pas stables. C’est pourquoi le FMI aura pour tâche spécifique « […] la coopération monétaire internationale […] » (point n°1) afin de « […] favoriser la stabilité des changes […] » (Point n°3). La nouveauté restant bien dans la création d’un organisme de régulation (« […] un organisme permanent fournissant un cadre pour la consultation et la collaboration en matière de problèmes monétaires internationaux.  […] », point n°1). Car la logique libérale d’une absence de régulation est ici battue en brèche. Désormais – 1929 est passée par là – il faut pour assurer l’équilibre économique un organisme de concertation.

Concrètement la conférence de Bretton Woods met en place un système de changes quasi fixes : le dollar est la seule monnaie mondiale dont le cours par rapport à l’or est fixe. Elle sert donc de monnaie refuge et chaque Etat dans le monde libelle une partie de ses réserves de change en dollars, assurant ainsi une garantie en or contre les variations des cours des autres monnaies. En conséquence, puisque chaque Etat dispose d’une réserve de change en dollars, le commerce mondial se fait la plupart du temps en dollars. C’est le cas par exemple du pétrole dont le commerce avec la découverte du pétrole saoudien (1933) explose littéralement. Le cours des autres monnaies est fixé par rapport au dollar (avec une variation des changes possible de +/- 5%). Les dévaluations sont évitées grâce aux fonds que le FMI apporte aux Etats qui se trouveraient en difficultés financières. (Point n°5 : « […] de permettre ainsi aux dits membres de remédier aux déséquilibres de leur balance des comptes […] »).

Il s’agit donc de bâtir un monde libéral mais d’un libéralisme tempéré. Le keynésianisme s’impose tout doucement chez les décideurs économiques. Même si Keynes était hostile à l’élévation du dollar comme monnaie de référence lui préférant un panier de monnaies le FMI doit garantir l’économie mondiale des errements de l’entre-deux-guerres.

3.       Les points n°1 et 5 tentent d’éviter la répétition d’une catastrophe économique dont le souvenir est encore très présent : laquelle ? Justifiez votre réponse. 

                        La catastrophe économique encore très présente à l’esprit des décideurs politiques et économiques réunis à Bretton Woods est la crise économique des années trente, révélée au grand public par la semaine de catastrophes boursières d’octobre 1929 et dont le monde ne sorti vraiment qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).

            Ce que le FMI souhaite faire dans le monde d’après guerre ce n’est pas tant la prévention des crises (inévitables selon la théorie libérale de l’économie classique) mais interdire les erreurs de gestion de la crise de 1929. En effet si la crise de 1929 a été catastrophique c’est aussi à cause des décisions économiques et politiques désorganisées et centrées sur les intérêts nationaux. La crise de 1929 est à l’origine une crise purement financière. Les entreprises autrichiennes et allemandes lourdement endettées auprès des banques américaines sont confrontées avant toutes les autres à la saturation du marché mondial (On produit en masse grâce au taylorisme et au fordisme mais les salaires ouvriers restant modestes il n’y pas véritablement de consommation de masse). Les entreprises autrichiennes font faillites, puis les entreprises allemandes entraînant la faillite des banques américaines qui exigent des remboursements immédiats de leurs débiteurs américains. Ceux-ci sont à leur tour contraints à la faillite entraînant une hausse brutale du chômage, une chute brutale de la consommation des ménages et une chute des cours boursiers amplifiés par la panique qui s’empare des marchés financiers. Petit à petit les entreprises du monde entier se retrouvent avec des stocks accumulés qui proviennent de la saturation ancienne des marchés, de la raréfaction du crédit et des licenciements massifs. Leurs stocks d’invendus leur coûtent chers et elles sont elles aussi contraintes de licencier. Voire de fermer. Dans le monde entier les Etats dévaluent pour doper leurs exportations, puis ferment leurs frontières pour protéger leur marché intérieur et mettent en place des politiques déflationnistes pour soutenir leurs monnaies affaiblies ce qui entraîne en corollaire une baisse de la consommation des ménages. Les économies en train de devenir lentement interdépendantes sont brutalement coupées de leurs réseaux commerciaux. Le retour brutal au protectionnisme achève de détruire les bases d’une reprise. On ne saurait imaginer gestion plus catastrophique de la crise.

            C’est pourquoi le FMI reçoit mission de garantir les changes afin d’éviter les dévaluations compétitives (« […] éviter la course à la dépréciation des changes […] », point n°3) qui dopent artificiellement le commerce national mais entraînent en contrepartie une inflation incontrôlable (Les monnaies perdants leur cour les prix montent pour se couvrir des variations monétaires). Pour cela il faut une coordination mondiale du système des changes : « […] la collaboration en matière de problèmes monétaires internationaux. […] » (Point n°1). Ensuite, une fois le système des changes assuré, encore faut-il le garantir en cas de tempête : il s’agit donc de « […] permettre ainsi aux dits membres de remédier aux déséquilibres de leur balance des comptes […] » (Point n°5) afin d’éviter des « […] mesures compromettant la prospérité nationale ou internationale. […] » (Point n°5), c’est-à-dire les dévaluations compétitives.

            C’est donc bien afin d’éviter la répétition de la gestion calamiteuse de la crise de 1929 – crise née des excès du libéralisme débridé des « années folles » – que le FMI est créé. Quelle idéologie inspire donc cette charte qui se propose de réguler le capitalisme mondial ?

4.        A l’aide des informations contenues dans le document et de vos connaissances personnelles vous identifierez l’idéologie qui inspire les rédacteurs de ce texte. Vous essayerez d’en montrer les conséquences géopolitiques pour la période 1945 – 1947. 

                        L’idéologie qui inspire les rédacteurs des statuts du FMI est bien sûr l’idéologie libérale. Elle exclu donc ipso facto l’URSS de la nouvelle organisation géopolitique du monde et en exclura les uns après les autres tous les Etats communistes. En ce sens la Guerre Froide (1947-1991) est en germe avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).

            Les auteurs de ce texte sont incontestablement des libéraux. Ils croient à la libre entreprise et à la libre circulation des biens, des personnes et surtout des capitaux. Les rédacteurs de cette charte rappellent bien à de nombreuses reprises qu’ils sont favorables à « […] l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international […] » (Point n°1) et à « […] l’élimination des restrictions de change qui entravent le développement du commerce mondial. […] » (Point n°4). Ces mesures qui veulent accroître la liberté des échanges commerciaux et financiers sont bien évidemment des mesures libérales.

            Cependant il s’agit d’un libéralisme tempéré car aucun des rédacteurs de la Charte ne croit encore que le système capitaliste revient naturellement à l’équilibre après une crise. Il faut une intervention extérieure et cette intervention extérieure à l’échelle mondiale c’est le FMI. Les rédacteurs de la Charte le disent d’emblée : le FMI est bien un « […] organisme permanent fournissant un cadre […] ». (Point n°1). On est loin du libéralisme des années vingt qui ne supportait aucun contrôle et qui avait aux Etats-Unis finit par se débarrasser de la prohibition ! Désormais le capitalisme est encadré et encadré à l’échelle mondiale.

            Mais même tempéré le capitalisme libéral reste le capitalisme libéral. L’URSS, communiste, est donc exclue de l’organisation économique de l’après guerre. En ce sens dès 1944 (Conférence de Bretton Woods) Staline sait qu’il sera en minorité idéologique et donc géopolitique dans le monde d’après guerre. Conscient il prend donc des gages : Yalta (Crimée, Février 1945) lui donne une vaste zone de territoires à administrer après la victoire, zone d’occupation en Europe qu’il espère bien transformer à court terme en sphère d’influence. C’est aussi pour cela qu’il se lance en guerre contre le Japon, conscient que les Etats-Unis en reconquérant l’Asie pourraient se présenter à ses portes en Sibérie. Sans comportement outrageusement agressif (Il laisse les maquisards communistes grecs combattre seuls face aux Anglais) il sécurise le territoire national russe : constitution d’un vaste cordon de protection qui courre du Pacifique (Staline s’empare des Kouriles) à l’Europe de l’Est en passant par l’Asie (satellisation de la Mongolie libérée des Japonais, aide aux communistes chinois de Mao et aux Coréens), l’Asie centrale (Aide massive en Afghanistan) et le Caucase (Pressions sur l’Iran et la Turquie). Mais ce faisant il donne des gages aux « faucons » des administrations anglaises (Churchill qui fulmine à Fulton) et américaines (Marshall et Truman qui tout en abandonnant la Chine comptent bien s’installer durablement en Europe et en Orient).

            Ainsi le FMI est bien une des nombreuses pierres du mur qui commence à séparer l’Ouest et l’Est, mur que Churchill stigmatise à Fulton mais dont les premières fondations furent posées par les démocraties libérales à Bretton Woods.

  1.         Conclusion. Vous montrerez l’intérêt historique de ce document. 

                        L’intérêt historique de ce document est complexe. D’une part il nous offre une formidable plongée dans l’univers des représentations politiques et économiques des décideurs des années quarante. Pour eux (Il y a près de 50 nations représentées à Bretton Woods) la crise économique des années trente est responsable de l’arrivée au pouvoir du fascisme et donc indirectement de la guerre préparée et recherchée par celui-ci. Le premier objectif en termes d’importance est donc d’empêcher le renouvellement d’une telle catastrophe. Cela suppose la mise en place d’institutions de régulations économiques : c’est un vigoureux amendement du credo libéral. Mais ce texte apparaît toujours étonnamment actuel : le FMI survécu à la disparition du système de Bretton Woods (1971) et la crise économique des subprimes aux Etats-Unis puis dans le monde (Depuis 2008) à rappelé l’impérieuse nécessité d’institutions de régulations économiques, mondiales et coercitives. C’est sans doute pourquoi chaque sommet du G20 (Pittsburgh, 2010, Nice 2011) est qualifié de « nouveau Bretton Woods » de la même manière qu’on entend souvent parler d’un « nouveau plan Marshall » (1947) pour les pays pauvres. Comme si le monde était nostalgique de la fin des années quarante où la perspective de bâtir un monde meilleur pour tous semblait réaliste et où chacun s’attelait à la tâche. Sans qu’on croie réellement que cela soit encore possible.

 Devoir n°1 Commentaire d’un document d’Histoire

Devoir n°1 Correction

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