1ère – HISTOIRE (19), La Première Guerre mondiale (1914-1919) : l’expérience combattante dans une guerre totale. 

1ère – HISTOIRE (19), La Première Guerre mondiale (1914-1919) : l’expérience combattante dans une guerre totale. 

                                La Première Guerre mondiale commence comme une guerre balkanique (Attentat de Sarajevo contre l’archiduc héritier de l’Empire d’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand, le 28 juin 1914) et se transforme en guerre européenne par le jeu des alliances (« Triple Entente » entre la France, la Russie et la Grande-Bretagne opposée à la « Triple Alliance » de l’Empire ottoman, le IIe Reich allemand et l’Empire d’Autriche-Hongrie) puis en guerre mondiale (Avec l’entrée en guerre aux côtés des alliés du Japon d’abord puis des États-Unis en 1917). Cette guerre est une guerre totale. Les contemporains ont bien perçu la fracture que représentait ce conflit lorsqu’ils appellent la période qui la précéda (1896-1914) la « Belle époque ». Guerre dans laquelle les belligérants jettent la totalité de leurs forces et mobilisent la totalité de leurs ressources, la Première Guerre mondiale (1914-1919) transforme la manière dont les États font la guerre. Elle transforme également l’expérience combattante. Nous verrons dans quelles mesures, dans une guerre au bilan effroyable (Ière partie), l’expérience combattante est transformée par la guerre totale (IIe partie) puis nous analyserons (IIIe partie) comment les combattants ont tenu dans l’enfer des tranchées et quelles séquelles que cette guerre a laissé sur les hommes, les sociétés et les États.

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                La guerre pensée par les États-majors (Plan XVII B du général Joffre, ou « plan Schlieffen » du général Moltke) devait être une guerre de mouvement. Après la bataille de la Marne (Septembre 1914), où pour la 1ère fois des troupes sont conduites massivement au combat par des moyens automobiles et où l’aviation joue un rôle stratégique, elle devient une guerre de position. Les armées s’enterrent dans des lacis complexes de fortifications plus ou moins sommaires (Les « tranchées »). La mobilisation de la totalité des ressources humaines, matérielles, économiques et spirituelles (Propagande, idéologies…) des États fait de la Première Guerre mondiale une guerre totale. 10 millions d’hommes meurent dans ce conflit, 10 millions d’autres sont blessés, mutilés (Dont les « blessés de la face » au visage détruit), traumatisés ou portés disparus. Autant de veuves et d’orphelins se retrouvent peu ou prou à la charge des sociétés et des institutions à l’issue du conflit. La grippe espagnole (H1-N1, 1917-1919) qui ravage des populations épuisées par la guerre prend entre 30 et 50 millions d’autres Européens (Dont le poète franco-polonais Guillaume Apollinaire). Chaque jour 900 soldats français sont morts. La Première Guerre mondiale en quatre années et demi de combats effectifs (Jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918 à 11 heures) fait pour la France autant de victimes (1,5 millions de morts) que les guerres de la Révolution et de l’Empire (1792-1815) en un quart de siècle ! Pour la 1ère fois les victimes civiles sont aussi nombreuses que les victimes militaires. Si les batailles titanesques enlèvent des milliers d’hommes jeunes et pleins de promesses (La bataille de la Somme tue 20,000 soldats britanniques chaque jour pendant une semaine) les populations civiles paient elles-aussi le prix du sang. C’est le génocide des Arméniens perpétré par le gouvernement « Jeune-Turc » (1915) dans l’Empire Ottoman qui fait 1,5 millions de victimes (66% de la population arménienne de Turquie). C’est aussi « la politique des otages » menée par les autorités militaires allemandes en Belgique et dans le Nord de la France qui conduit à des déportations (De femmes surtout) et des exécutions (D’hommes essentiellement). Les villes situées sur la ligne du front (Comme Lens dans le département du Pas-de-Calais) sont rasées par les bombardements massifs. La guerre sous-marine à outrance (1917) conduit au torpillage de navires de commerce et de navires hôpitaux (Lusitania, 1915), torpillages qui font des milliers de victimes. Les conditions de vie des combattants sont terrifiantes : enterrés dans les blockhaus (Fortifications bétonnées semi-souterraines) ils y vivent dans l’attente des assauts et parfois sous un bombardement continu. Un mois de bombardement avant l’assaut sur les positions allemandes sur la Somme (1916) contraint les combattants allemands à vivre 20 à 30 mètres sous terre en tenue de combat, le masque à gaz sur le visage, dans l’obscurité de leurs abris, (cf., La Bataille, John KEEGAN). Les conditions sanitaires sont déplorables : rats, parasites (Poux), corps en putréfaction des camarades tués et que l’on ne peut pas évacuer, choc psychologique de l’attente, de la peur, des bombardements aux effets meurtriers (75% des soldats tués l’ont été pendant les bombardements).

Dans ces conditions l’expérience combattante est profondément bouleversée. Le temps des héros est révolu. Les élèves de l’École Militaire Spéciale de Saint-Cyr (août 1914) qui décidèrent de monter au combat en tenue de parade sont tous morts avant décembre. Les officiers britanniques chargeaient à la tête de leurs hommes armés de … leur bâton de commandement et ne portaient pas d’arme ! Maintenant la mort fauche indistinctement le brave et le lâche, l’officier de carrière et le soldat mobilisé. Les survivants témoignent de l’extrême brutalité des combats. Erich Maria REMARQUE (À l’Ouest, rien de nouveau, 1929, ULSTEIN éditeur) raconte : « […] Nous voyons des gens, à qui le crâne a été enlevé, continuer de vivre ; nous voyons courir des soldats dont les deux pieds ont été fauchés ; sur leurs moignons éclatés, ils se traînent en trébuchant jusqu’au prochain trou d’obus […] ». Otto DIX (Triptyque avec prédelle, La Guerre, 1929-1932, Dresde) dépeint des paysages apocalyptiques où les morts et les vivants sont confondus dans un même brouillard de viscères et d’acier. C’est la « brutalisation » (accroissement de la violence subie et donnée) des combattants (Georges MOSSE, Fallen Soldiers. Reshaping the Memory of the World Wars., 1990). Mais certains témoignent d’un rapport plus trouble à l’égard de la violence extrême qui les environne. Tel directeur d’école, ancien combattant, lors d’une remise de décoration militaire (1936) raconte « […] La peur nous tenait aux entrailles et cependant, une force inéluctable nous poussait en avant […] Cette minute barbare, cette minute atroce avait pour nous une saveur unique, un attrait morbide. […] ». Les intellectuels ne sont pas épargnés : Blaise CENDRARS (La main coupée, Paris, 1946, éditions Denoël), vingt ans après les faits, raconte une scène de « nettoyage de tranchées », c’est-à-dire d’exécution des survivants ennemis après l’assaut : « […] Nous retrouvant, ivres de joie et de fureur. Ce fut un joli massacre. […] On riait, les Boches aussi étaient surexcités. […] ».

                Comment comprendre l’irruption dans l’expérience combattante de la « brutalisation », violence extrême, son ampleur, ses conséquences ? Le degré de violence atteint par les combats pendant la Première Guerre mondiale a des explications matérielles bien sûr (C’est une guerre totale de l’âge industriel). Mais elle a surtout des explications liées à l’idéologie belliciste et belligène en vigueur dans l’Europe impériale de la « Belle époque ». Les moyens de tuer se sont, avec l’industrialisation, considérablement étoffés : les fusils à tir rapide, les mitrailleuses, les canons montés sur rails (Comme la « Grande Bertha » dont les obus avant de retomber sur Paris rasent la stratosphère !), les gaz de combat (Comme le gaz moutarde utilisé lors de la bataille d’Ypres, 1915, et qu’on nomme « Ypérite ») sont des moyens industriels de donner la mort. La guerre elle-même développe de nouvelles techniques : les mitrailleuses des avions permettent de tirer à travers le pas des hélices, c’est le début de l’aviation de chasse. Les sous-marins et leurs torpilles, les chars de combat (Appelés Tanks), sont autant d’armes développées pendant la guerre. Mais la brutalisation des combats ne nait pas seulement d’une possibilité technique mais bien d’une préparation des esprits. La haine et le mépris des uns et des autres (Le « Boche » des Français) sont inculqués par les écoles respectives (La Lorraine, patrie de l’héroïne nationale Jeanne d’Arc, et l’Alsace drapées sur les cartes scolaires de la couleur pourpre du deuil), la propagande nationaliste (Les journaux français assimilent facilement les Allemands aux barbares asiatiques d’Attila, les « Huns »). Dans l’Europe surarmée des années 1900’ cet enseignement nationaliste répété de l’école aux journaux a formé des Européens prêts à en découdre « jusqu’au dernier quart d’heure » (Georges CLEMENCEAU). Même si dans l’isolement des trous d’obus et des nids de mitrailleuses c’est son groupe de « camarades » qu’on défend lors des assauts, c’est bien le nationalisme exacerbé des Européens qui permet de comprendre le faible nombre de mutineries (Hors année 1917) ou de refus de combattre. Les ouvriers allemands et français, après l’assassinat de Jean JAURÈS (Fondateur de L’Humanité, leader de la SFIO, assassiné en août 1914), oublient l’Internationale et s’engagent pour s’entrégorger ! Les conséquences générées par cette expérience combattante si traumatisante sont incommensurables. La violence des champs de bataille devient une norme sociale : les lois deviennent plus dures (Peine de mort contre les avorteuses, la dernière est exécutée en 1943), violence politique (Exécution des opposants politiques comme Karl LIEBKNECHT et Rosa LUXEMBOURG) et violence dans les rues accompagnés de coups de forces (Milice fascistes en Italie qui prennent le pouvoir en 1921, SA en Allemagne qui violentent les militants communistes, tentative de coup d’État en Bavière orchestrée par un certain Adolf HITLER, ancien combattant…). La révolution russe s’accompagne elle aussi de massacres rarement justifiés : assassinat des marins révoltés de Kronstadt et de leurs familles retenues en otages, assassinat de la famille impériale des ROMANOV, assassinat des paysans ukrainiens suspectés de vouloir quitter le monde russe et affamés artificiellement (10 millions de morts entre 1918 et 1926) ! Les relations entre les États se sont brutalisées elles-aussi : les guerres rythment le soi-disant « Entre-deux-guerres » : « Guerre du Riff » dans les années 1920’, guerre en Éthiopie (1935-1936), guerre en Finlande envahie par l’URSS (1939-1940). On le voit la brutalisation des combattants, née de la Première Guerre mondiale, a contaminé les relations entre les États et leurs peuples, les relations entre les groupes sociaux, la politique, pour finir par contaminer les relations entre les États.

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                L’expérience combattante de la Première Guerre mondiale, la première guerre totale de l’ère industrielle, est marquée par l’extrême violence des combats et des combattants. Ce qu’on nomme la « brutalisation ». Cette expérience combattante marquée par la brutalisation s’explique autant par l’enseignement de la haine de l’autre qui caractérise la « Belle époque » que par l’extension des moyens techniques. Elle se diffuse à la fin de la guerre au sein des sociétés et des États pour imprégner l’ensemble des relations sociales et internationales. Mais, paradoxalement, la Première Guerre mondiale donne toute sa légitimité au pacifisme, considéré auparavant comme une douce utopie, partagée seulement par les lâches et les rêveurs (Les États-Unis d’Europe, de Victor HUGO, XIXe siècle, et Projet d’une paix perpétuelle en Europe, XVIIIe siècle, Emmanuel KANT). La SDN va donner corps à cette utopie.

© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020).

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