PRÉPA BAC – HORIZON ÉTUDES SUPÉRIEURES – Sujets corrigés, “Les espaces maritimes : approche géostratégique.”, Syrie – Liban 2019

PRÉPA BAC – HORIZON ÉTUDES SUPÉRIEURES

Sujets corrigées – Syrie – Liban 2019 – Études critique de documents de Géographie

Correction de la session Liban – Syrie 2019, série S

Deuxième partie

Étude critique de deux documents de Géographie

Les espaces maritimes : approche géostratégique

Consigne :

Montrez en quoi les documents sont révélateurs à la fois de l’importance des espaces maritimes dans la mondialisation et des rivalités géostratégiques qui en découlent. 

DOCUMENT 1 EXTRAIT Article de Paul Tourret, directeur de l’Institut Supérieur d’Économie Maritime, « Dans les mers d’Extrême-Orient, plus de partages que de divergences », 22 août 2014, site Internet du journal Le Monde consulté le 20 septembre 2018. 

DOCUMENT 2 « Une vision de la situation géopolitique en Extrême-Orient », extrait de l’ouvrage collectif de A. MONOT et alii, Mers et océans, aux éditions Bréal, collection « Amphi Géographie », 2014 (carte légèrement modifiée pour les besoins de l’examen). 

                                Le 6 avril 2019, la République Populaire de Chine (RPC) a envoyé des bâtiments de sa flotte de guerre suivre la frégate française Vendémiaire, suspectée, parce qu’elle empruntait le détroit de Taïwan, d’avoir violé la souveraineté chinoise en entrant illégalement dans ses eaux territoriales. Un incident que le quotidien d’information de gauche français Libération a appelé ironiquement « Un incident très diplomatique » : en effet depuis des dizaines d’années des navires de guerre français patrouillent en mer de Chine méridionale sans éveiller la colère de la Chine … Visiblement, les choses ont changé, la présence occidentale devient intolérable, en l’état, pour Pékin.

                Les espaces maritimes sont des espaces de ressources (Halieutiques, carbonées, minières même) et d’opportunités (Carrefours commerciaux, raccordement aux flux de marchandises de la mondialisation, qui sont à 80% maritimes) mais ce sont surtout des enjeux de souveraineté : « Qui tient la mer tient le monde » a-t-on coutume de dire pour synthétiser la formule de Sir Walter RALEIGH. La mer est donc aussi le théâtre de la souveraineté des États, autant parce qu’elle sa domination est créatrice de richesses que parce que la puissance des flotte de guerre témoigne de la puissance et de la richesse des États dont elles battent pavillons.

                Dans quelles mesures peut-on affirmer que l’extrait de l’article de Paul TOURRET, « Dans les mers d’Extrême-Orient, plus de partage que de divergences » (22 août 2014, Le Monde) et la carte extraite de l’ouvrage collectif coordonné par A. MONOT, Mers et océans, (2014, aux éditions Bréal, collection « Grand Amphi ») sont révélateurs à la fois de l’importance des espaces maritimes dans la mondialisation et des rivalités géostratégiques qui en découlent ?

                Nous verrons dans un premier temps que ces deux documents rendent bien comptent, à travers l’étude du cas des mers riveraines de la Chine et du Japon, que les espaces maritimes sont des espaces clés dans le processus de mondialisation (I), et qu’ils rendent également compte dans une certaine mesure que les espaces maritimes sont des enjeux géostratégiques et de rivalités entre États (II). Mais nous verrons également que ces deux documents sont anciens (III) et qu’ils témoignent d’un temps géopolitique qui n’est plus d’actualité.

*         *         *

                Les espaces maritimes sont au cœur du fonctionnement du processus de mondialisation, et ses deux documents en rendent compte. Les espaces maritimes, et singulièrement ceux de la Mer de Chine méridionale (Entre Chine et Philippines), la Mer de Chine orientale (Entre Chine et Japon) ou la Mer jaune (Entre Chine et Corées), sont des espaces d’échanges : Paul TOURRET le rappelle « […] Au final, un quart du trafic maritime mondial circule dans les eaux est-asiatiques. La mise en péril de la fluidité de ces flux concerne toute la région […] » (Lignes 25 et 26). D’abord parce que la région est « l’Atelier du Monde ». « […] les liens interfirmes ont construit un réseau de partenariats économiques entre tous les pays de la région, l’Asie développée (Japon, Corée, Taiwan), l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) et la Chine […] » (Lignes 11 à 12). C’est ce qu’on appelle le « circuit intégré asiatique » : les produits viennent de Chine (« […] l’Asie orientale consomme en abondance du « made in China » […] », ligne 17) et les capitaux viennent des pays d’Asie qui constituent le bloc asiatique de la Triade (Amérique du Nord, Asie de l’Est et Europe de l’Ouest) comme le note Paul TOURRET « […] l’atelier du monde est en partie lié aux investissements japonais, coréens et taïwanais […] » (Ligne 18). On rappellera que cette interdépendance « inextricable » comme la qualifie Paul TOURRET s’explique aussi par le fait que de nombreux produits assemblés en Chine sont constitués de pièces usinées en Asie même : les écrans des I phones viennent de Corée, les mémoires du Japon… Le va-et-vient des conteneurs est donc constants (« […] Un cinquième de l’activité mondiale de conteneurs est intrarégional à cette zone […] », lignes 15 et 16). La carte de MONOT montre que les grandes routes maritimes trouvent leur point de départ ou leur terminaison en Chine (Guangzhou au Sud, Shanghai à l’Est pour la Chine, les baies de Tokyo, de Nagoya et de Kobe au Japon, celle de Pusan en Corée). Le détroit de Malacca et la ZIP de Singapour apparaissant comme un passage maritime stratégique à l’échelle du globe. Les chiffres donnent le vertige : « […] Le détroit de Malacca voit transiter chaque année environ 700 millions de tonnes de pétrole, 500 millions de tonnes de fer, 70 millions de tonnes de grains, 45 millions de tonnes de charbon destinés à la clientèle régionale […] » (Lignes 20 à 22). Paul TOURRET semble en inférer que l’interdépendance économique est telle qu’elle limite les risques d’escalade militaire. Pourtant la région est l’objet de convoitises et de défis géostratégiques majeurs.

*         *         *

                Les deux documents montrent que les espaces maritimes sont des enjeux des rivalités géostratégiques qui découlent de leur rôle central dans le fonctionnement du processus de mondialisation. La piraterie, endémique en Mer de Chine méridionale comme le montre la carte de MONOT, constitue un enjeu commun, de l’ordre de la thèse défendue par Paul TOURRET et qui transparaît dans son titre « […] plus de partages que de divergences […] » (Titre de l’article du Monde) parce qu’elle menace « […] la fluidité de ces flux [qui] concerne toute la région […] » (Dernière ligne). La lutte contre la piraterie est l’objet d’une mobilisation internationale et pas seulement en « Extrême-Orient » (Ligne 8) pour reprendre l’expression désuète de Paul TOURRET : dans le détroit de Bab el Mandeb (Entre la Mer Rouge et Aden) l’opération « Atalante », initiée par la France, a vu s’agréger les forces navales conjointes des États de l’Union Européenne (UE), puis de la Chine. Cette dernière a engagée des manœuvres navales avec le Gabon dans le Golfe de Guinée (Entre Nigeria et l’embouchure du fleuve Congo-Zaïre) afin de renforcer sa présence militaire sur la route maritime vers Lagos, le grand terminal pétrolier africain. Il n’est pas sûr que les espaces maritimes soient pour autant des zones de partage. Parce que l’affirmation de la puissance des États passe par le contrôle des eaux territoriales (22 km au-delà des côtes) et de la Zone Économique Exclusive (ZEE) définie à la Conférence des Nations Unies sur les Droits de la Mer (CNUDM) de Montego Bay (1973-1982, Jamaïque) comme la zone étendue jusqu’à 370 km au-delà des côtes, zone dans laquelle la navigation est libre mais où les ressources appartiennent à l’État concerné. On comprend l’appétit des puissances pour des îlots insignifiants (Comme celui de Clipperton au large du Mexique appartenant à la France, ce qui lui octroie une ZEE immense pour une île inhabitée…). La compétition en Mer de Chine méridionale est âpre comme la carte de l’ouvrage Mers et océans de MONOT le montre : la Chine a installé des bases navales notamment sur les archipels des Spratleys et des Paracels, situés sur les routes du grand commerce maritime, mais aussi à proximité de gisements off shore, face à des voisins avec lesquels elle est en froid (Comme le Japon mais surtout le Vietnam, un ennemi depuis la guerre perdue par le RPC en 1980) et sur ses routes d’approvisionnement du pétrole, qui vient du Soudan (Le fameux « collier de perles »). Ce queTOURRET appelle pudiquement « […] Les tensions de voisinage autour de divers îlots des mers de Chine méridionale et occidentale comme de la Mer jaune sont des réels points de fixation des antagonismes régionaux d’Asie orientale. […] » (Lignes 1 à 3).

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                Les deux documents sont cependant très datés. La situation géopolitique mondiale de 2014 n’existe plus : le duopole Chine – Amérique a laissé place à une compétition commerciale féroce entre les deux géants économiques, compétition qui avive les tensions en Mer de Chine méridionale. La formule de Paul TOURRET « […] Pourtant, l’Extrême-Orient forme de plus en plus un espace économique intégré partageant les mêmes contraintes d’accessibilité maritime […] » (Lignes 8 et 9) si elle rappelle un fait indiscutable jette un voile pudique sur l’augmentation des tensions en Mer de Chine orientale et occidentale. Le duopole en vigueur du temps d’OBAMA (2008-2016) semble avoir volé en éclat avec l’élection de Donald TRUMP (2016). Le président républicain américain a fait des relèvements des droits de douanes la pierre angulaire de sa politique de ré-industrialisation. La VIIe flotte américaine a croisé au plus près des eaux territoriales de la Corée du Nord, alliée traditionnel de la RPC, et le Congrès américain a validé le projet de TRUMP d’augmenter les livraisons d’armes à destination de Taïwan, dont Pékin conteste l’existence avec sa doctrine de la « Chine unique ». Ce que la carte de MONOT appelle des « zones de contestations maritimes » ont été le théâtre d’incidents très graves : entre la RPC et le Vietnam lorsque la marine de guerre chinoise a ouvert le feu en 2017 et 2018 sur des navires gardes-côtes vietnamiens, lorsque l’aviation chinoise a survolé les îlots de l’archipel des Senkaku, entraînent des mises en alerte de la composante aérienne de la Force d’Autodéfense du Japon. En RPC, le ralentissement de la croissance (+6% du PIB/an au lieu des 12% de la période 1998-2008) a amené Pékin à laisser les groupes nationalistes chinois à hausser le ton en réclamant ouvertement le retour des archipels contestés à la Chine. Le ton au Japon a monté aussi : le pays s’est lancé dans une course à l’armement maritime, lançant des porte-aéronefs (Avions à décollage vertical) pour renforcer sa puissance militaire. On est maintenant très loin de ce que Paul TOURRET appelait « […] Les postures des uns et des autres méritent une attention dans un contexte de montée en puissance de la Chine, de changement de paradigmes au Japon […] (Lignes 3 et 4). Le stade des postures s’est éloigné et celui des confrontations est arrivé : en 5 ans le contexte géostratégique régional a changé pour tous. La Mer de Chine méridionale n’a pas le monopole des tensions ravivées. En Méditerranée, la guerre en Syrie qui a marqué le retour des flottes russes au large du Liban et de Chypre, et le voisinage étonnant avec les flottes françaises et américaines présentes dans la même région mais pour apporter un soutien logistique aux ennemis des ASSAD, alliés de la Russie… L’augmentation des flux migratoires illégaux en provenance d’Afrique subsaharienne fait l’objet d’une surveillance accrue. Mais cette fois les tensions navales opposent les forces légales de l’UE aux navires humanitaires d’ONG qui recueillent les migrants. Car la mer est aussi un espace de droit incertain, le droit de réguler l’entrée des migrants au sein de l’espace Schengen dévolu à l’UE vient en contradiction avec le devoir de secours aux naufragés imposé à tout marin depuis la plus haute antiquité…

*         *         *

                                Les documents sont révélateurs à la fois de l’importance des espaces maritimes dans la mondialisation et des rivalités géostratégiques qui en découlent. Mais la vision apaisée qu’ils donnent d’une situation « sous contrôle », voire d’une situation de partage des ressources et des opportunités est aujourd’hui obsolète : les tensions en Mer de Chine méridionale ont pris un tour de plus en plus guerrier qui n’était pas perceptible avec autant d’acuité en 2014. © Erwan BERTHO (2019)

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Correction de la session Liban 2019 étude critique de documents espaces maritimes

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