MANUEL DE LITTÉRATURE – La poésie africaine – Senghor, « Femme noire »

MANUEL DE LITTÉRATURE

ANTHOLOGIE DES POÈMES AFRICAINS

Léopold Sédar SENGHOR, « Femme noire », 1945

L’AUTEUR
Poète et homme politique français et sénégalais (1906-2001)
Né en 1906 à Joal, petite ville côtière du Sénégal, alors colonie française), l’itinéraire de Léopold Sédar SENGHOR est exceptionnel ; premier africain agrégé de grammaire, premier africain entrée à l’Académie française.
Issu d’une famille riche, il a une enfance sans problème. Bachelier en 1928, il poursuit ses études à Paris où il rencontre Aimé CÉSAIRE, poète de la Martinique. Descendant des anciens esclaves déportés de leur Afrique natale vers l’Amérique, Aimé CÉSAIRE traduit dans sa poésie la révolte du colonisé contre le colonisateur. Au moment où SENGHOR le rencontre, il vient de formuler le concept de négritude, qui désigne l’ensemble des caractères, des manières de penser, de sentir propres à la « race » noire.
En 1928, il rencontre Georges POMPIDOU (Futur président de la République française, 1969-1974) au Lycée Louis-le-Grand, en classe préparatoire aux grandes écoles. Dès 1934, Senghor fonde à Paris, avec DAMAS et CÉSAIRE, la revue L’Étudiant noir qui sonne le réveil des consciences. En 1935, SENGHOR obtient son agrégation de grammaire, devenant ainsi le premier agrégé africain de l’Université française.
L’année 1945 marque le début de sa carrière politique. Il devient le premier président du Sénégal (1960-1980). En 1982, il est élu à l’Académie française. Chantre de la négritude et théoricien de la « civilisation de l’universel », SENGHOR est un des plus éminents penseurs du XXe siècle.

L’EXTRAIT

« Femme Noire »

Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais
lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du
Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée
Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux
flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta
peau.
Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or ronge ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les
racines de la vie.

QUESTIONS

1. Rythme et sonorités du poème : relevez les figures de styles et les procédés stylistiques qui donnent du rythme à ce poème.
2. Champ lexical. Quels sont les différents champs lexicaux de ce poème ? Donnez des exemples.
3. Quelle image l’auteur donne de la femme africaine ? Pourquoi en fait-il l’éloge ? Justifiez vos réponses par des extraits de l’œuvre.
4. Étudier les marques de sensualité dans ce poème. Comment peut-il être lu ?
5. Dans ce poème, de quelle manière la femme incarne t – elle l’Afrique   ?

© Kamélia BANOUNE & ACHIMI RILIWANOU Fadimata (2016), sélection et analyse.

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