HGGSP – Correction des « petites questions » d’argumentation, « La démocratie indirecte permet-elle de pondérer et de nuancer l’expression du suffrage populaire ? « 

La démocratie indirecte permet-elle de pondérer et de nuancer l’expression du suffrage populaire ? 

                               La démocratie directe n’est pas morte avec la fin du modèle politique de la Cité des Athéniens (Ve-IVe siècle avant l’ère commune). Elle a survécu dans quelques ensembles politiques, dont certains cantons en Suisse pour prendre un exemple européen, mais elle a été supplantée par la démocratie indirecte, dite « représentative » car elle fonctionne sur le principe de l’élection de représentants mandatés pour exercer une fonction législative. S’agit-il alors de nuancer et de pondérer l’expression du suffrage universel ?

                La Cité des Athéniens fonctionne sur le principe de la démocratie directe : l’assemblée des citoyens (Ecclésia) se réunit et vote aussi bien les lois, la guerre, la paix, que les grands procès politiques (Ostracisme). La mise en place des régimes démocratiques en Europe à partir de la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle pose la question de la forme de démocratie : après la Glorieuse Révolution (1688) s’impose le modèle britannique de démocratie libérale représentative, donc indirecte. La Cité des Athéniens apparaît rétrospectivement comme livrée aux passions d’un corps de citoyens pas tous habiles à saisir les enjeux de longs termes. Naît l’idée des « représentants », élus des citoyens sur le modèle du Sénat romain. C’est la démocratie indirecte ou représentative. La Révolution française (1789-1799) voit la représentation démocratique connaître son apogée avec la Convention (1792-1795) dominée par le parti jacobin et son aile voltairienne, les « Montagnards ». « Dictature d’assemblée », la Convention est le siège unique du pouvoir : les députés sont magistrats, commissaires de la République en mission (Préfets, généraux…), membres du Comité de Salut Public (L’équivalent du gouvernement de crise) et font les lois. La bourgeoisie aisée vit cette période comme la manifestation d’un excès de démocratie. Il s’agit donc de limiter et de pondérer l’expression du suffrage populaire vécu comme fauteur de troubles, de radicalité et de répression politique. L’élection de représentants ne suffit plus à pondérer l’expression du suffrage populaire, il faut donc amender le mode le suffrage.

La démocratie indirecte appelée « représentative » ne protège donc pas contre les « excès » supposés du suffrage populaire. Le suffrage censitaire (Réservé aux plus riches) apparaît comme une solution médiane entre le suffrage universel et l’absence de démocratie. Les électeurs sont choisis parmi un panel de bourgeois : ce sera le cas en Grande-Bretagne et aux États-Unis où les électeurs devaient être blancs et propriétaires. Au début de la Révolution française (1789-1799) alors que la France devient une monarchie constitutionnelle (1790), le même principe est adopté : le suffrage censitaire permet d’exclure les pauvres et … les domestiques. C’est le principe de la cohabitation des citoyens « actifs » et « passifs ». En Europe occidentale où se répand la démocratie libérale représentative, le principe du suffrage censitaire domine : en Belgique, il n’est aboli qu’en 1895 (1848 en France), remplacé par le suffrage plural (Jusqu’en 1919) où les plus riches voient leurs voix compter plusieurs fois ! En Belgique, 16% des électeurs les plus riches disposaient de 33% des voix, laissant ainsi les 61% des plus pauvres se partager 39% des voix. Des variantes existent comme le suffrage capacitaire qui donne aux diplômés des voix supplémentaires : en Australie (Jusqu’en 1948) et en Irlande du Nord (Jusqu’en 1969) les professeurs d’universités et les propriétaires fonciers votaient deux fois… Aux États-Unis le suffrage indirect (Avec l’élection de « grands électeurs ») État par État est toujours en vigueur pour les élections présidentielles, permettant parfois l’élection d’un président qui n’a pas obtenu la majorité du suffrage populaire (Comme en 2016 lors du duel CLINTON / TRUMP).

À la question du suffrage (Qui vote ?), il faut ajouter celle du scrutin (Comment on vote ?). L’Occident s’est contenté de trois modes de scrutin : le scrutin majoritaire à un tour, en vigueur par exemple en Grande-Bretagne, fait élire le candidat arrivé en tête dès le premier tour quelque soit son score (Majorité relative). Ce mode de scrutin favorise le bipartisme. Le scrutin majoritaire à deux tours permet d’élire le candidat arrivé en tête au second tour si personne n’a eu la majorité absolue (+de 50 des suffrages) au premier tour : ce mode de scrutin favorise les ententes au second tour, il entraîne ensuite une surreprésentation du parti majoritaire. En France, un parti politique qui représente 35% des suffrages obtient la majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Au contraire, le scrutin de liste, dit à la proportionnelle, entraîne une fragmentation de l’échiquier politique puisque chaque formation est représentée au Parlement en proportion de sa place dans les suffrages. Les gouvernements sont donc systématiquement des gouvernements de coalition (Allemagne, Israël).

                Contrôler l’expression populaire a toujours été une volonté des classes dirigeantes qui se méfient des capacités du « petit peuple » à diriger de manière éclairée la démocratie. L’expérience a montré que les classes aisées n’étaient pas plus aptes a faire les bons choix, quelque soit le mode de suffrage, ou de scrutin.

© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020, 2021)

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2.2.3.2.2._Première -Spécialité_20_11_2020_Correction

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