COURS À DISTANCE – Classes de Terminale, “Planning de la semaine du 4 janvier 2021”

Tle Géographie et Tle HGGSP : le rayonnement de la culture française dans la mondialisation

Étude de texte (durée : 2 à 3 heures)

Consigne Tle : Lisez attentivement le texte et répondez aux questions. Pensez à citer clairement le texte dans vos réponses.

Consigne Spé HGGSP : En suivant la méthode d’analyse de document enseignée répondez à la problématique suivante : Dans quelles mesures ce texte nous informe sur l’efficacité réelle du soft power français ?

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Un rayonnement voilé

La diplomatie culturelle ? La France l’invente après la défaite de 1870 face à l’armée prussienne, quand elle se retrouve isolée sur le plan international, afin de compenser sa perte d’influence par ce qu’on appelle alors le ‘rayonnement culturel’. Dans le même mouvement, elle veut aussi s’assurer que ses colonies parlent sa langue et adhèrent à sa culture : l’Alliance française est créée en 1883. Cette association à but non lucratif a pour particularité d’avoir à sa tête des comités composés pour moitié d’élus des pays où ses antennes s’implantent. La Mission laïque française, aujourd’hui constituée d’un réseau de 112 établissements d’enseignement dans une quarantaine de pays, naît en 1902. Cinq ans plus tard, un professeur de littérature italienne de l’Université de Grenoble, Julien Luchaire, fonde l’Institut français de Florence. Autant d’initiatives privées, financièrement soutenues et plus ou moins impulsées par l’État, mais qui ne sont pas son émanation directe. La France est précoce : les Britanniques attendront 1934 (le British Council), les Allemands 1951 (l’Institut Goethe) et les Espagnols 1991 (l’Institut Cervantès).

Ce dispositif mondialisé s’appuyant sur des associations et très tôt lié au ministère des affaires étrangères se formalise clairement en 1945 avec la création de la direction générale des relations culturelles et des œuvres françaises à l’étranger. Dès ses débuts, il aura connu une histoire sinueuse, tributaire des intérêts géopolitiques et de la valeur attribuée à la culture nationale. Le dernier changement en date fut la création, en 2010, de l’Institut français, qui fusionne de multiples acteurs. ‘Un seul guichet, à l’instar de nos voisins, était une bonne idée’, estime un ancien secrétaire général de l’ambassade de France en Allemagne. ‘Avant la création de l’Institut français, une manifestation culturelle pouvait avoir le soutien de plusieurs services de l’État qui ne communiquaient pas entre eux’. Les organisateurs pouvaient par exemple s’adresser à l’attaché culturel de l’ambassade, au directeur du centre culturel, au bureau spécialisé de la musique, et recevoir trois fois une subvention de l’État. Une rationalisation s’imposait.

Dans les années 2000, la loi d’orientation des finances et la révision générale des politiques publiques (RGPP) amputent le réseau diplomatique, particulièrement son versant culturel. Dans cette économie singulière, où coexistent budget public et fonds privés, si l’État finance moins, c’est l’ensemble des recettes qui en pâti : les sponsors tendent à se détourner de ce qui leur apparaît comme un investissement moins valorisant ; les élèves des cours de français, devant la diminution du nombre d’enseignants expatriés, s’éloignent – or l’essentiel des fonds propres des centres culturels proviennent de ces cours.

En 2001, Bernard Pivot consacre son antépénultième « Bouillon de culture », sur France 2, à une question brûlante : ‘La France a-t-elle encore les moyens de promouvoir sa langue et sa culture ?’ Le directeur du Centre culturel de Barcelone, M. Philippe Reliquet, en colère quand il avait reçu l’animateur en Espagne pour préprer l’émission, ne l’est plus sur le plateau. M. Bruno Delaye, le responsable de la direction du Ministère des affaires étrangères, qui chapeaute notamment le personnel du réseau culturel, également invité, a menacé de faire tomber des têtes en cas de critique ouverte. Mais Pivot a en réserve le témoignage de M. Bernard Genton, alors directeur de l’Institut français de Berlin. Celui-ci déclare en avoir assez ‘d’être humilié par les petits marquis du Quai d’Orsay. J’étais libre car, au contraire de beaucoup de mes collègues, je n’avais pas peur de retourner enseigner’ nous précise-t-il. De nombreux fonctionnaires de l’éducation nationale, détachés dans le réseau, la réintègrent après deux missions. M. Patrice Champion, agrégé de lettres classiques, ex-directeur de l’Institut français de Cracovie, est nommé dans un collège de Sarcelles. ‘On m’a dit : Vous n’êtes pas le genre de fonctionnaire qu’on attend, vous prenez trop d‘initiatives’.

Le député socialiste Yves Dauge est aussi sur le plateau. Il a rendu un rapport, commandé par la commission des affaires étrangères, qui fait remonter la parole du terrain, où le devoir de réserve épouse parfois les formes de l’omerta. Le constat est sévère. L’étoile s’éteint, le pays ne rayonne plus. Il faut professionnaliser. Empêcher que les initiatives soient étouffées par une tutelle jugée ‘futile ou tatillonne’. ‘La culture ne peut pas avoir le doigt sur la couture. On ne peut pas être dans le politiquement correct’, estime le parlementaire. Il préconise, afin d’alléger la tutelle du Quai et d’enrichir l’action, que soit créé un espace de discussion interministériel entre les affaires étrangères, la culture et l’éducation nationale. Et il souligne qu’il importe de préserver l’autonomie de gestion des centres et des instituts.

En attendant, les années 2000 voient le démantèlement se poursuivre. Des consuls en mal de consulats – beaucoup ont été fermés – sont parachutés directeurs de centres culturels. L’Allemagne où s’étaient ouverts 18 centres après la seconde guerre mondiale, perd la moitié de ses instituts. L’Italie voit disparaître celui de Turin, après Gênes. Ceux qui vendent leurs murs – Séville, Porto, Lisbonne, Vienne, Amsterdam – allongent la liste des disparitions. Bien sûr, d’autres naissent ailleurs – en Asie, en Afrique, au Proche-Orient – mais le sentiment qu’il n’y a plus de projet politique demeure. D’auditions en propositions, le rapport Dauge de 2001 nourrit d’autres perspectives, et l’idée que le réseau doit s’autonomiser de sa tutelle, à l’instar de l’Institut Goethe et du British Council, s’affirme. M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères entre 2007 et 2010, y est aussi favorable. ‘Ce n’est pas parce qu’on a réussi le concours d’Orient ou qu’on est énarque qu’on sait ce qu’est la culture’ nous dit-il.

(…)

La France a choisi de laisser son soft power entre les mains des diplomates, des ‘préfets de l’extérieur’ pour reprendre la façon dont M. Laurent Fabius définissait les ambassadeurs. ‘Les relations internationales ne peuvent pas seulement reposer sur ces acteurs mais relève du rapport entre sociétés’ estime Bertrand Badie, professeur à Science Po.

Aujourd’hui, l’incarnation du pouvoir est économique, plus culturelle’ analyse M. Jérôme Clément, président de la fondation Alliance Française de 2014 à 2018. Les présidents de la République n’emmènent plus à l’étranger des artistes mais des chefs d’entreprise. L’influence culturelle de la France est de moins en moins soutenue : en 2009, les crédits alloués aux services culturels dans les ambassades atteignaient 53 millions d’euros ; ils n’étaient plus que de 30 millions en 2016. Globalement, depuis vingt ans, le budget a chuté de 30%. Dans le même temps, les Instituts Confucius chinois sont passés entre 2006 et 2016 de 100 à 150, les Instituts Pouchkine ont lancé des cours en ligne en 2017, les Instituts YunusEmre, fondés en 2007 par la Turquie, sont aujourd’hui au nombre de 45 ». (…)

Source : extrait de « Un rayonnement voilé », article de Pascal Corazza publié dans le Monde diplomatique en 2020.

Questions (réservées aux élèves de Tle A & B qui ne suivent pas la spécialité HGGSP)

  • Présentez le document.
  • Quelles institutions, publiques ou privées, sont des éléments essentiels du soft power français ?
  • De quoi souffrent-t-elles selon l’auteur de l’article
  • Quelles puissances, établies ou émergentes, concurrencent aujourd’hui la France dans le domaine du rayonnement culturel ?

Documents à télécharger :

Tle_Spé_obligatoire_doc_rayonnement_France

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