George SAND, femme de Lettres et femme d’engagement (2/2) : extraits.

GEORGE SAND, UNE FIGURE DE LA VIE LITTÉRAIRE EN POLITIQUE

 Fragment 1 Entre désir et frustration, plaidoyer pour l’autonomie amoureuse de la femme

« […] Je t’aimais, Sténio, sans pouvoir te consoler ; j’admirais, sans pouvoir y répondre, ce besoin indéfini d’expansion et de dévouement qui dévorait ton sang et brûlait ton cerveau. Je regrettais les épreuves implacables qui m’avaient convaincue de mon impuissance ; […] Mes sens glacés ne pouvaient rien pour tes plaisirs. Si j’avais essayé de frémir sous tes étreintes, pauvre Sténio ! Lélia, grimaçant la volupté, commandant à ses yeux de sourire et de jouer l’extase, Lélia que tu divinisais, n’aurait été qu’un monstre hideux, le ridicule simulacre d’une courtisane. […]Les sourires que tu me demandais à genoux, les caresses que tu aurais payées de ton sang ne sont-elles pas maintenant pour ta lumineuse clairvoyance un objet de raillerie ? […] Lélia se rappela les jours où elle l’avait aimé le plus. C’était lorsqu’il était plutôt poëte qu’amant. Dans ces premiers temps de leur affection, la passion de Sténio avait quelque chose de romanesque et d’angélique. Il ne songeait alors qu’à chanter Lélia, à prier Dieu pour elle, à rêver d’elle, ou à la contempler dans une extase muette. Plus tard, son œil s’était animé d’un feu plus viril, sa lèvre plus avide avait cherché et demandé le baiser, sa poésie avait exprimé des transports plus sauvages ; c’est alors que l’impuissante Lélia s’était sentie effrayée, fatiguée et presque dégoûtée de cet amour qu’elle ne partageait pas. […]. »

SOURCES : SAND (George), Lélia, 1833, Paris, aux éditions H. DUPUY et L. TENRÉ, Tome II, Cinquième partie, chapitre XII (Dernier chapitre) « Lélia ».

 

Fragment 2 George SAND face à la dérive politique et l’insurrection (Recueil de lettres de George Sand)

a. Sur le Second Empire.

« […] Après tout, lorsque les lois fondamentales d’une république sont violées, les coups d’État, ou pour mieux dire les coups de fortune ne sont pas plus illégitimes les uns que les autres […]. Nous n’étions vraiment plus en république, nous étions gouvernés par une oligarchie, et je ne tiens pas plus à l’oligarchie qu’à l’empire. Je crois que j’aime encore mieux l’empire. […] » (Lettre du 29 décembre 1851, à propos du coup d’État militaire de Louis-Napoléon BONAPARTE)

« […] Que ferais-je donc si j’abandonnais mon humble tâche [et néanmoins la plus belle de toutes, celle d’artiste] ? Des conspirations ? Ce n’est pas ma vocation, je n’y entendrais rien. Des pamphlets ? Je n’ai ni fiel ni esprit pour cela. Des théories ? Nous en avons trop fait et nous sommes tombés dans la dispute, qui est le tombeau de toute vérité, de toute puissance […] » (Lettre de décembre 1853 à MAZZINI, révolutionnaire italien, promoteur de l’unification nationale italienne.)

b. Sur la Commune de Paris

«  […] Paris est grand, héroïque, mais il est fou. Il compte sans la province qui le domine par le nombre et qui est réactionnaire en masse compacte. Tu m’écris : Dites bien à la province que nous haïssons le gouvernement. Comme vous êtes ignorants de la province ! Elle fait un effort immense pour accepter Thiers, Favre, Picard, Jules Simon, etc., tous trop avancés pour elle […]. Sachez donc, vous autres, que les républicains avancés sont dans la proportion de 1 pour cent, sur la surface du pays entier, et que vous ne sauverez la République qu’en montrant beaucoup de patience et en tâchant de ramener les excessifs. Vous voilà dépassés par un parti qui voit encore moins clair et qui croit dominer au moins Paris. Pauvre peuple ! il commettra des excès, des crimes, mais quelles vengeances vont l’écraser ! […] » (Lettre du 24 mars 1871 sur la Commune de Paris).

« […] Tout s’efface, se transforme ou se restaure, monarchie, clergé, spéculation. Une seule chose reste, le champ qu’on a acheté et qu’on garde. Les communeux comptent sans le paysan, et le paysan c’est la France matérielle invincible. Il fera encore la loi cette fois-ci, avec tous les inconvénients de son ignorance, mais avec tous les bénéfices de son esprit de conservation. Je l’ai dit, je le dis encore, c’est le sauveur inconscient, borné, têtu ; mais je n’en vois pas d’autre. Il faudra bien que Paris l’accepte ou s’efface. (Lettre à sa fille Solange, 22 septembre 1871) […] »

SOURCES : ANCEAU (Éric), « George Sand et le pouvoir politique, du coup d’État du 2 décembre 1851 à la révolution du 4 septembre 1870 » et LEROY (Géraldi), «Une « chimérique insurrection » : la Commune de Paris dans les Agendas et la Correspondance de Georges Sand », in, 2006, DAUPHIN (Noëlle), sous la direction de, George Sand, Terroir et histoire, Presses Universitaires de Rennes, collection « Histoire »304 pages, deuxième partie « Du terroir à l’horizon national et européen : combats pour les libertés. », pages 247 à 262 et pages 263 à 273, EAN 9782753502567

© Erwan BERTHO (2019)

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