2de – HISTOIRE – (6) Rome. L’extension de la citoyenneté à l’ensemble de l’Empire (+212).

2de – HISTOIRE – (6) Rome. L’extension de la citoyenneté à l’ensemble de l’Empire (+212).

          En 212, l’empereur Caracalla (+211/+217) accorde la citoyenneté romaine, la plus haute forme de citoyenneté, à tous les habitants libres de l’Empire. L’ « Édit de Caracalla » apparaît comme une mesure qui révolutionne les relations politiques et sociales dans l’Empire romain. Quel est l’impact de cette décision impériale sur l’Empire ? 

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                La « constitution antoninienne » également appelée « édit de Caracalla » est relativement bien connue dans ses principes généraux grâce à des auteurs classiques comme le juriste Ulpien (Institutes, début du IIIe siècle, repris dans le Digeste, Livre I, paragraphe 5, +534), le pamphlétaire Dion Cassius (Histoire romaine, Livre LXXVII, paragraphe 9, +229), le théologien chrétien romain d’Afrique du Nord Saint Augustin (La Cité de Dieu, Livre V, paragraphe 17, +426), et un ouvrage anonyme, probablement issu des milieux sénatoriaux, Histoire Auguste (« Vie de Caracalla », Livres IV et V, fin du IVe siècle, vers 390). Le document le plus ancien et le plus complet est le très endommagé Papyrus Giessen n°40, un fragment de papyrus égyptien écrit en Grec, trouvé dans la ville d’Heptakomia, et daté probablement de +215, date d’un voyage de Caracalla à Alexandrie d’Égypte (N° d’inventaire 15, Bibliothèque de l’Université allemande Justus-Liebig, de Giessen, Land de Hesse, Allemagne). Dans cet édit, l’empereur Caracalla (211/217) de la dynastie des Sévère, octroie la citoyenneté romaine à tous les « Pérégrins », c’est-à-dire les hommes libres de l’empire qui n’étaient pas encore citoyens romains (« […] Je donne donc à tous […] le droit de cité romaine […] »).

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                Au nom de quelles valeurs l’empereur Caracalla octroie-t-il la citoyenneté aux habitants libres de l’Empire et à tous leurs descendants ? Plusieurs motivations l’animent, selon le texte conservé sur le Papyrus Giessen n°40. C’est d’abord pour des raisons personnelles et religieuses que l’empereur motive sa décision : il lui faut remercier les dieux de lui avoir permis d’échapper au complot ourdi par son frère Geta, coempereur avec lui, que Caracalla vient d’assassiner (211), « […] je voudrais rendre grâces aux dieux […] pour m’avoir sauvé d’un tel complot. […] ». Geta condamné à la damnatio memoriae, la damnation de la mémoire, n’est évidemment pas nommé, mais l’allusion est évidente. La visite de Caracalla à Alexandrie (215/216) où il vient rendre hommage au tombeau d’Alexandre le Grand lui permet aussi de massacrer une partie des habitants de la ville, partisans de son frère défunt. Pour Caracalla, l’adjonction d’une foule énorme de nouveaux citoyens (« […] dizaines de milliers de fidèles […] ») permettra de répartir aussi plus équitablement les charges qui pèsent sur les citoyens romains (« […] Il se doit en effet que la multitude soit […] associée aux charges qui pèsent sur tous […] »). En effet, les pérégrins ne payaient pas l’impôt sur la succession, que Caracalla venait de porter de 5% à 10%. La motivation fiscale est très forte donc. Dion Cassius l’affirme : « […] C’est pour cela que tous les habitants de l’Empire furent, sous apparence d’honneur, mais en réalité pour fournir plus de revenus à l’empereur, attendu que les étrangers étaient exempts de la plupart de ces taxes, déclarés citoyens romains. […] » (Histoire romaine, Livre LXXVIII, op. cit.).

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                Quelles sont les conséquences de cette extension de la citoyenneté à tous les habitants libres de l’Empire ? Caracalla rompt avec une division juridique et sociale héritée de la fondation même de Rome : d’un côté les citoyens de Rome, disposant de droits fondamentaux (Voter, être élu, pouvoir faire appel aux tribunaux romains et à l’empereur, ne pas subir de torture ni de peine infâmante comme la crucifixion, épouser une citoyenne romaine et léguer ses biens à ses enfants…), de l’autre des habitants libres qui n’avaient que la nationalité locale. Pour Rome ce sont des étrangers (Pérégrins) que l’Empire tolère : ils payent tribut et sont administrés par des magistrats romains. Déjà en -89 Rome avait dû accorder la citoyenneté romaine aux habitants libres de l’Italie, à la suite d’une guerre avec ses propres alliés italiens (Guerre sociale). Progressivement, l’Empire s’est romanisé et les élites et leurs descendants ont acquis la citoyenneté romaine (En +48 pour les Éduens, « Tables claudiennes »). L’édit de Caracalla met donc fin à un ordre social et politique injuste, et contribue à créer une citoyenneté universelle dans son empire. Cette décision eut cependant des conséquences inégales selon les régions de l’Empire : dans les provinces très urbanisées, la citoyenneté fut très répandue. Dans les provinces des marges (Mésopotamie, Dacie, Bretagne) elle resta très rare. Mais dès le milieu du IIe siècle, la division entre les citoyens romains s’était déjà faite sur un critère financier : les plus riches (Honestiores) finirent rapidement par obtenir plus de droits que les plus humbles (Humiliores). La justice était dès avant l’édit de Caracalla très inégalitaire : après 212 cette division s’accentua.

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                L’édit de Caracalla prend acte d’une mutation profonde des rapports sociaux dans l’Empire : les divisions sociales sont désormais plus fondées sur les inégalités de richesses que sur le droit de cité romain, assez répandu dans les régions urbanisées de l’Empire, et ce avant même la proclamation de l’édit en 212.

© Erwan BERTHO (2017)

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Articles complémentaires :

← Pour accéder au texte de la leçon précédente ‘+48, les Tables claudiennes et l’extension de la citoyenneté à la Gaule romaine. », cliquez ICI.

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