ZOOM SUR … Cuba, théâtre et crise de la « Guerre froide ».

CUBA ET LES ÉTATS-UNIS

1895-1962

 La « méditerranée américaine ». 

La Mer des Caraïbes et le Golfe du Mexique constituent une « Méditerranée américaine » (4,000 km²). La proximité (200 km) des grandes Antilles (Cuba, Haïti, Saint-Domingue et Porto Rico) avec la Floride a fait longtemps considérer cette région comme « l’arrière cour » (Backyard) des États-Unis.

 Cuba, de la domination espagnole à la tutelle américaine. 

Les créoles cubains, propriétaires d’un grand parc d’esclaves noirs et enfermés sur leur île, étaient restés prudents et n’avaient pas revendiqué leur indépendance au contraire des autres colonies espagnoles (1820-1823). En face d’eux Haïti, première république noire, leur servait d’exemple d’une colonie passée sous contrôle des anciens esclaves libérés. Mais sur le demi-siècle qui suivit les relations devinrent tendues entre la couronne espagnole et les planteurs créoles. En 1868 ceux-ci se révoltent et demandent leur entrée dans l’Union comme le Texas l’avait déjà fait (1845-1848). A peine sortis de la Guerre de Sécession (1861-1865) et prenant la mesure de la complexité d’une économie et d’une société basées sur l’avilissement de la population noire les dirigeants américains refusèrent l’offre.

 En 1895 la guerre civile fait rage à Cuba, dernière colonie espagnole en Amérique. Les intérêts des États-Unis sont clairement menacés par la tournure que prennent les événements. Les États-Unis débarquent à Guantanamo Bay et à La Havane (1898). Cuba est débarrassé de l’Espagne. Mais les États-Unis s’y sont solidement implantés. Le sénateur des États-Unis d’Amérique Platt exige que dans la constitution cubaine soit reconnu aux États-Unis le droit d’intervenir à Cuba si les intérêts économiques, matériels ou humains des États-Unis sont menacés, laissant aux États-Unis le soin de décider quand tel était le cas. Le vrai maître de Cuba était donc l’ambassadeur des États-Unis à La Havane, et derrière lui le Congrès des États-Unis d’Amérique.

 La vie politique dans le Cuba pro-américain. 

Cuba utilise alors le dollar des États-Unis d’Amérique comme monnaie et exporte à prix réduit sucre, café et fruits tropicaux vers les États-Unis. La question foncière est brûlante : une caste de grands planteurs créoles est propriétaire des terres avec les grandes compagnies agroalimentaires américaines. Les petits paysans (sans terre évidemment) vivent dans un dénuement moral et matériel extrême.

 Dans l’entre deux guerres un homme politique de gauche, proche des communistes cubains, prend le pouvoir à Cuba : Fulgencio Battista. Il entame une politique de moralisation de l’économie de l’île (Lutte contre les mafias installées dans l’économie des casinos) et de réformes agraires (limitées). Cette politique mécontente les grands planteurs qui créent pour s’y opposer le « parti orthodoxe », parti nationaliste, catholique et de droite. Le fils d’un riche planteur y milite : Fidel Castro.

 Fidel Castro n’était sans doute pas un « fils à papa » désœuvré ni un marxiste pur. Mais ses nombreux combats militants (En Colombie à la fin des années quarante, à Cuba au début des années cinquante) montre une réelle conscience sociale.

 La révolution castriste. 

En 1958 il débarque avec une centaine d’hommes près de la base militaire américaine de Guantanamo Bay, dans la Sierra Maestra. Les grands propriétaires et les États-Unis soutiennent cette guérilla anti-Battista. En 1959 Castro prend le pouvoir. Et met en œuvre (1960) la politique de réforme agraire promise à ces partisans. C’est la rupture car les intérêts des États-Unis sont lésés : les compagnies américaines sont propriétaires de vastes domaines sur Cuba.

 En 1961 la CIA organise depuis le Nicaragua un débarquement de militants anti-castristes : c’est la « Baie des cochons ». Kennedy refuse de faire intervenir la Navy et l’US Air Force pour soutenir le débarquement. Celui-ci est donc un fiasco.

Redoutant une intervention militaire massive des États-Unis, Castro demande l’aide de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). Celle-ci achète en pétrole le sucre cubain à des tarifs supérieurs à ceux du marché. L’URSS installe une base géostratégique pour ses sous marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), et près de 30,000 soldats soviétiques. Des armes modernes (bombardiers à réactions, chasseurs, tanks) sont livrées à Cuba par le Pacte de Varsovie.

 La « crise des missiles de Cuba » (1962). 

Nikita Khrouchtchev décide d’installer des fusées nucléaires à Cuba. Si les deux grands ont un arsenal nucléaire il ne leur est que de peu d’utilité. En effet les stations radars disposées de part et d’autres peuvent avertir le quartier général du départ des fusées ennemies et permettre ainsi quelques secondes avant l’anéantissement le tir des fusées de représailles. C’est « l’équilibre de la terreur ». Le tir nucléaire de l’un entraîne le tir nucléaire de l’autre. Les deux ennemis s’anéantissant ainsi mutuellement en même temps.

 Mais si des fusées nucléaires russes partaient de Cuba elles frapperaient le sol américain (et surtout la côte Est avec Washington et tous les centres décisionnels militaires et financiers du pays) avant que les États-Unis ne puissent riposter. L’équilibre de la terreur est rompu : l’URSS peut détruire les États-Unis sans que ceux-ci ne puissent riposter.

 Averti des préparatifs soviétiques par ses avions espions (U2) Kennedy place Cuba sous embargo militaire. Les États-Unis reçoivent l’appui unanime de tous leurs alliés. L’US Navy a ordre de détruire tout navire tentant d’entrer à Cuba. Or des navires soviétiques porteurs des fusées nucléaires sont en approche.

 Les deux grands se rendent alors compte que leurs moyens de communication sont obsolètes et ne correspondent plus aux critères de vitesse qu’exigent les contraintes de la Guerre Froide. Un marchandage planétaire s’engage dans une course contre la montre entre Khrouchtchev et Kennedy. Les États-Unis s’engagent à ne pas renverser Castro par une invasion armée et retirent leurs fusées (obsolètes) de Turquie, l’URSS démonte ses missiles à Cuba et retire ses troupes (Effectifs divisés par 10) et son matériel.

 Jusqu’en 1979 l’Amérique restera chasse gardée des États-Unis. En 1963 une ligne de télex directe est mise en place entre Moscou et Washington pour permettre une communication directe entre les deux « supergrands » : c’est le « téléphone rouge ».

Chronologie récapitulative : 

1820-1823 Indépendance des colonies espagnoles sauf Cuba et Porto Rico.

1868  Cuba demande son entrée dans l’Union, demande refusée.

1895-1898  Guerre civile à Cuba.

1898 L’Espagne est vaincue par les Etats-Unis et perd Cuba et Porto Rico.

1930’ Fulgencio Battista au pouvoir. Lutte contre les mafias.

1953 Première tentative ratée de prise de pouvoir à Cuba par Castro.

1958-1959  Maquis castristes dans la Sierra Maestra.

1959  Castro au pouvoir à Cuba.

1960 Nationalisation des terres.

1961 Débarquement raté des anticastristes.

1962 Crise des missiles de Cuba.

1963 « Téléphone rouge » : télex entre Moscou et Washington.

© Erwan BERTHO (Réactualisation 2015, révision 2017)

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