DOCUMENTS DE COURS – Histoire – Terminales générales, « Le Proche et le Moyen Orient, un foyer de conflits (1/2) de la fin de la Première Guerre mondiale (1919) à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945). »

COMPOSITION

Grandes puissances et conflits dans le monde depuis 1945. 

Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits de la fin de la Première Guerre mondiale (1918) à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945). 

Vous montrerez quelles sont les logiques à l’œuvre au Proche et au Moyen-Orient et qui en font un foyer de conflits depuis la fin de la Première Guerre mondiale (1918).

                La lutte internationale contre l’Organisation de l’État Islamique (OEI, Daesh en Arabe) en Irak et en Syrie montre chaque jour dans les grands médias internationaux un Proche et Moyen Orient transformés en un champ de bataille d’ampleur presque mondiale : Turcs, Saoudiens, Jordaniens et Iraniens s’affrontent par milices et armées alliées interposées, quand Russes, Européens et Américains, dans un nouveau « Grand Jeu », tentent de soutenir leurs alliés et de les faire triompher.

Inextricables alliances, renversement permanent des rôles et des intérêts selon les circonstances et les lieux, le Proche et le Moyen Orient sont toujours – et ce depuis la Première Guerre mondiale (1914-1919), au moins – un foyer de tensions. La Première Guerre mondiale (1914-1919) est marquée en Orient par le Génocide perpétré par les « Jeunes Turcs » contre les Arméniens (1915-1916) et par l’effondrement et la fragmentation de l’Empire ottoman (1923, proclamation par Mustapha KEMAL ATATÜRK de la République de Turquie) en une dizaine de territoires ou d’États.

Des logiques puissantes interdisent, de la fin de la Première Guerre mondiale à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945), la stabilisation politique de la région. Comment le comprendre ?

La région du Proche et du Moyen Orient est d’abord traversée par des tensions issues de la question judéo-arabe (1), mais c’est aussi une région de rivalités idéologiques (2), et un théâtre des impérialismes (3), internationaux mais aussi régionaux.

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                La question judéo-arabe se pose progressivement, sous la double action d’une part de l’immigration juive en Palestine puis de sa colonisation par les mouvements sionistes, et d’autre part de l’éveil du nationalisme panarabe. Le nationalisme apparaît comme un facteur de fractures (Contre les Ottomans turcs) et d’unité (entre tous les Arabes, quelques soient leur religion), mais est encore constitué indistinctement de réformation islamique et de nationalisme laïc. Les deux logiques, sionisme et nationalisme palestinien, s’entretenant mutuellement, le nationalisme des uns renforçant celui des autres. Journaliste hongrois envoyé en France couvrir l’Affaire DREYFUS, Theodor HERTZL est effrayé par la vigueur de l’antisémitisme. Il conçoit le projet de créer un État pour les Juifs (Der Judenstaat, 1896) et organise à Bâle le 1er Congrès sioniste mondial (1897). Les Juifs européens frappés par les persécutions de Roumanie (1881) puis d’Ukraine ou de Pologne dans l’Empire russe (1905), par les pogroms de la Guerre civile russe (1917-1922, « l’antichambre de la Shoah ») et par les mesures antisémites de la Pologne indépendante (1925) émigrent en Europe de l’Ouest, en Amérique et un peu en Palestine. La Palestine intégrée à l’Empire ottoman devient un mandat britannique (1920) de la Société Des Nations (SDN). Parfois ruraux (3 000 colons juifs dans les Kibboutz, d’inspiration socialistes, gérés par la Jewish Colonization Association, ICA) les colons juifs sont le plus souvent citadins (Essentiellement à Jérusalem, Haïfa, Jaffa où éclatent les 1ères émeutes antijuives, 1907). Leur présence augmente régulièrement. HERTZL voulait une reconnaissance internationale avant une libre émigration, mais sa mort (1904) favorise les ultras, tenant d’une émigration massive. La « Déclaration Balfour » (1917) qui promet un « Foyer national juif » en Palestine n’avance rien de plus que ce que l’Organisation Sioniste Mondiale demande depuis 1897. Les colonies juives ne représentent que 12% des terres arables, souvent achetés à des propriétaires libanais ou syriens coupés de la Palestine depuis l’effondrement de l’Empire ottoman. Les socialistes juifs de Palestine se sont emparés des leviers de pouvoir au sein du mouvement sioniste mondial : David BEN GOURION en prend la tête. Dotés d’une milice armée, la Haganah, les Juifs de Palestine favorisent les politiques extrémistes : expulsions des métayers arabes des terres juives, salaires inférieurs pour les Arabes, représailles en cas d’attentats antijuifs. Devant le raidissement politique des Juifs de Palestine, les élites palestiniennes se constituent en force politique, déterminées à chasser les Britanniques comme à cantonner les Juifs à une place subalterne dans la  future Palestine indépendante. La « Grande révolte palestinienne » (1925-1926) et surtout la « révolte paysanne » (1936-1939) entraînent une réponse très ambigüe (3ème Livre Blanc sur la Palestine, 1939) des Britanniques : ils déportent les élites traditionnelles palestiniennes mais freinent également l’immigration juive. Les Britanniques s’attirent ainsi l’ire des colons juifs comme des panarabes. L’exil du Mufti qui trouve refuge dans le IIIe Reich (1933-1945), l’engagement des colons juifs aux côtés des Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) marginalisent les mouvements politiques palestiniens qui sortent affaiblis de l’Entre-deux-guerres et de la Seconde Guerre mondiale.

                Le Proche et le Moyen Orient est aussi une région de conflits idéologiques. La question judéo-arabe n’étant finalement qu’une manifestation locale des grandes dynamiques géopolitiques régionales. Deux idéologies s’affirment dans « l’Entre-deux-guerres » (1919-1939), l’Islam politique (Islamisme) et les nationalismes. Le nationalisme s’affirme aussi bien dans des aires régionales bien définies (Kémalisme en Turquie, sionisme en Palestine mandataire, kurde sur la lisière nord du Proche et du Moyen Orient, perse en Iran…) que macro-régionales (Panarabisme). Moderniste, souvent laïc (Même si islamisme et nationalisme panarabe sont très mêlés en Égypte), souhaitant rendre leur indépendance aux peuples sous domination occidentale en rattrapant le supposé retard technologique, les mouvements nationalistes s’emparent du pouvoir en Turquie, de facto en Égypte, en Perse, et  portent le projet panarabe des fils d’Hussein, Shérif de la Mecque, qui deviennent rois de Transjordanie et d’Irak. Les politiques peuvent être radicales : Mustapha KEMAL abolit le Califat (1924), fait adopter l’alphabet latin (1928), et développe l’instruction publique. Les femmes turques (et perses) votent avant les Françaises (respectivement en 1930 et 1934). La Turquie devient laïque (1937). Les corps des officiers et des instituteurs forment l’essentiel des cadres nationalistes : proches du peuple (soldats-paysans et élèves ruraux), mais éduqués et exerçant des fonctions de commandement, ils sont des leviers de décisions importants. En Égypte, en Irak et en Perse ils prennent le pouvoir ou portent leurs représentants contre les monarchies traditionnelles (Égypte) ou nouvelles (Irak). Parfois après un coup d’État, les militaires restaurent le régime monarchique à leur profit (Iran). Le prestige des régimes totalitaires (Union des Républiques Socialistes Soviétiques, URSS de Staline, IIIe Reich nazi d’HITLER, régime fasciste en Italie de MUSSOLINI) attire ces mouvements nationalistes qui veulent voir l’État jouer un rôle majeur dans le développement économique du pays. Ils ne sont pas les seuls à vouloir l’indépendance par la croissance économique et le développement social. L’islamisme se construit politiquement dans les années trente. Les « Frères musulmans » d’Hassan AL BANNA en Égypte (1928) en est un bon exemple : le mouvement de réformation religieuse s’accompagne d’une politique sociale (que les islamistes mettent en œuvre par les œuvres pieuses) et économique (fondée sur des principes coraniques). Aucune volonté d’un retour vers un Islam mythique des origines. Les Islamistes des années trente ne sont pas des fondamentalistes : progressistes sur le plan social et économique, plutôt neutres sur la nature du régime à construire, ils élaborent des solutions hybrides dont la République Islamique d’Iran (1979) sera quarante ans plus tard la meilleure incarnation. Nationalisme et islamisme ne sont pas vécus comme des logiques opposées. Les militaires égyptiens nationalistes et antibritanniques (NASSER, SADATE…) sont très proches aussi des Frères musulmans. Le Grand Mufti AL-HUSSEINI organise à Jérusalem (1931) un Congrès islamique mondial qui réunit 145 délégués de 20 pays : l’immigration juive y est condamnée mais aussi la présence française au Maroc… Le mouvement est influencé par la pensée de GANDHI qui soutient que si l’Occident possède la supériorité technique, l’Orient garde une supériorité spirituelle et morale qu’il faut valoriser. Nationalisme, tiers-mondisme, panarabisme et islamisme sont là intimement liés dans des courants de pensées qui restent ouverts.

La région du Proche et du Moyen Orient est le champ clos des rivalités impériales, internationales d’abord, régionales ensuite, au fur et à mesure que les États constitués se sont renforcés et dotés de politique étrangère propre. La région du Proche et du Moyen Orient est d’abord l’enjeu d’une sourde rivalité entre la France et la Grande-Bretagne. Très présente au Koweït et en Égypte, la Grande Bretagne obtient de la SDN le mandat de Palestine (1920) et s’octroi un contrôle étroit sur le royaume de Transjordanie, essentiellement constitué de manière à fournir un corridor sécurisé pour les pipelines anglais qui convoient le pétrole irakien vers Haïfa. La mainmise britannique dans la région lui permet de s’assurer un contrôle fort sur les régions pétrolières (Irak, Koweït) alors que la Première Guerre mondiale (1914-1919) a montré le rôle stratégique des chars de combats, des avions et des sous-marins. La Grande Bretagne réalise aussi son vieux rêve de continuum du Canal de Suez en Égypte vers la perle coloniale des Indes : ses troupes sont installées de part et d’autre de la Mer Rouge (Égypte, Palestine, Somalie, Yémen) et de la Méditerranée au Golfe du Bengale (Palestine, Irak, Iran, Pakistan et Inde). La France qui reçoit les mandats du Liban et de Syrie se retrouve bien vite face aux revendications nationalistes libanaises et syriennes. Son contrôle réel, assez faible, s’achève en 1940 avec la défaite. La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) permet l’intervention soviétique (Nord de l’Iran) et américaine (1942 création du Persian Gulf Command), notamment en Arabie Saoudite (1945) où la rencontre IBN SAOUD et ROOSEVELT (Pacte du Quincy) scelle une alliance qui fonctionne encore près de 75 ans plus tard. La Grande Bretagne est évincée d’Iran et d’Arabie saoudite, et les compagnies pétrolières étatsuniennes remplacent progressivement les britanniques (1944, création de l’Arabian American Oil Compagny, ARAMCO). Pourtant la région du Proche et du Moyen Orient n’est pas le simple terrain de manœuvre des États occidentaux : les États  régionaux, et en particulier l’Irak et l’Arabie saoudite se livrent une guerre d’influence, notamment autour de la question de l’unité arabe. Dans un premier temps la « Grande révolte arabe » (1916-1918) appuyée par des agents de renseignement britannique (dont Thomas Edward LAWRENCE, Les Sept Piliers de la Sagesse, 1926) permet aux fils du shérif de la Mecque HUSSEIN de devenir rois de Transjordanie et d’Irak. Mais la montée en puissance des SAOUD qui s’emparent du Hedjaz et créent le Royaume d’Arabie saoudite (1932) marginalise les Hachémites. Les monarchies voient d’un mauvais œil les Saoudiens appartenant à la secte des Wahhabis, considérés comme archaïques, rétrogrades et schismatiques. Les Saoud voient plutôt l’unité arabe comme une libre association des chefs d’États. Face aux projets tiers-mondistes qui se développent en Égypte et en Syrie, c’est inconciliable. Le projet de l’unité arabe est alors portée par deux conceptions différentes : un projet panarabe, nationaliste, tiers-mondiste, laïc et socialiste, et un projet plus étriqué, conservateur, monarchiste et confédéral réduit à la région, porté par les Wahhabis.

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                Quand la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) s’achève, la région du Proche et du Moyen Orient s’est largement émancipée politiquement : la Turquie, l’Iran, l’Irak, la Transjordanie, la péninsule arabe, l’Égypte, la Syrie et le Liban ont acquis leur indépendance avant ou pendant la guerre. Mais les divisions entre les peuples et les États se sont accentuées : projet nationaliste contre monarchiste, alignement sur les États-Unis ou l’URSS, panarabisme ou repli sur la géopolitique régionale… La question israélo-palestinienne qui se pose avec la création d’Israël (1948) va mettre à nu ces divisions.

© Erwan BERTHO (Juin 2017, révision 2018)

© Bibliographie, veille médiatique et synthèse établies par Erwan BERTHO (Mai 2015, révision Juin 2017)

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COMPOSITION HISTOIRE 3.3.1 corrigée Le Proche et le Moyen-Orient de 1918 a 1945

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Autour de la question :

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