GEOGRAPHIE Première Les espaces de proximité en France

COMPOSITION

Un aménagement local dans un espace proche de votre lycée :
À partir de l’étude de cas menée en classe, présentez cet aménagement, ses enjeux, ses acteurs les débats qu’il a pu susciter et ses effets sur le territoire.

La mondialisation des économies et des cultures a construit, par la libéralisation des économies, des sociétés ouvertes au Reste Du Monde. Il en résulte une forte compétition entre les territoires ; compétition pour attirer ou simplement garder des emplois, compétition pour accueillir de nouveaux aménagements qui rendront le territoire encore plus attractif. Croissance et compétitivité des entreprises, attractivité des communes, nouveauté et variété des loisirs, multitude des produits proposés aux achats des consommateurs, rien n’échappe à cette logique de mise en compétition des territoires de notre quotidien, formés par nos migrations familiales et professionnelles (notre espace proche, en effet, est dessiné par les lieux que nous sommes susceptibles d’atteindre au cours d’une journée habituelle). Ces territoires du quotidien avec leurs paysages familiers eux-aussi sont donc les résultats de choix d’aménagement.
Nous verrons en partant de l’exemple de l’aménagement du parc de loisirs de Loisinord (Nœux-les-Mines, en Picardie), quels sont aujourd’hui, dans une France intégrée à l’Union Européenne et insérée dans la mondialisation, les enjeux et les acteurs des aménagements des territoires de proximité.

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L’ouverture sur le Reste du Monde des économies met les territoires en brutale concurrence les uns avec les autres. Dans ce cadre les aménagements des territoires de proximité permet de garder des activités et d’en attirer de nouvelles. Le parc de Loisinord illustre cette situation. Installé à moins de 2 kilomètres de Nœux-les-Mines (Région Picardie) entre Arras et Béthune, il est un exemple d’aménagement particulièrement réussi. Nous verrons quels ont été les enjeux et les acteurs de ce projet d’aménagement et en étudiant ses résultats nous montreront qu’il constitue un élément d’un projet d’aménagement plus vaste et plus ambitieux que l’ouverture d’un simple parc de loisirs. Parc de loisir imaginé au début des années quatre-vingt quand les vieux pays miniers furent sinistrés par la désindustrialisation et les délocalisations, Loisinord occupe d’anciens espaces industriels (dont un terril, le terril 42) reconvertis en un lac artificiel et – originalité du parc – une station de ski sur surface synthétique. 500,000 visiteurs sont accueillis chaque année et son rayonnement va de Paris à Calais. Le parc est relié au reste du territoire métropolitain par l’autoroute A26 qui relie Paris et Calais-Dunkerque, par la N43 (Qui le raccorde à Lens) et la N41 (Qui le raccorde à Lille). Le premier enjeu pour la commune de Nœux-les-Mines était d’enrayer le déclin démographique : en 25 ans la commune avait perdu 2,000 habitants sur 14,000. L’exode consécutif à la désindustrialisation ne commence à être atténué qu’au début des années 2000. La commune connait alors pour la première fois en 30 ans un solde naturel et migratoire positifs (+0,1%) et le solde démographique net est de +0,2%. Le projet a été financé à 50% par le Fond Européen de Développement Régional (FEDER) et s’est développé pour accueillir des commerces, une école de cirque, un circuit automobile et un supermarché. Afin de donner plus d’ampleur à un projet devenu régional Nœux-les-Mines est entré dans la Communauté de Communes de Noeux et Environ (CCNE) au statut d’Établissement Public d’Intercommunalité (EPCI) qui regroupe 6 communes très différentes (Anciennes communes minières comme Nœux-les-Mines, communes agricoles comme Fouquières-Les-Béthune ou aisée comme Vaudricourt). L’EPCI qu’est la CCNE travaille en partenariat avec un acteur départemental, le SMESCOTA, Syndicat Mixte d’Études pour le SCOT de l’Artois, chargé d’orchestrer les différents projets d’aménagement du territoire régis par le Schéma de Cohérence et d’Organisation Territoriale (SCOT). Dès lors le parc Loisinord prend une autre dimension. A l’origine conçu comme un projet local ayant pour objectif de ramener de l’activité et de l’emploi dans un vieux bassin houiller en crise structurelle, il est devenu un projet intercommunal ancré dans les schémas de développements départementaux (Artois), régionaux (Picardie, Nord) et européens (Le FEDER est une agence de l’UE). Désormais la CCNE ne cherche plus seulement à « fabriquer » du développement mais aussi du développement durable. Développement durable dans sa dimension écologique (Politique de limitation des déchets par campagne de sensibilisation avec le slogan « 400kg de déchets par habitant c’est trop ! », valorisation paysagère), mais aussi dans sa dimension sociale (Mixité et cohésion sociales, aide aux quartiers défavorisés) et économique (Investissement dans les filières innovantes). La composante identitaire de la politique d’aménagement n’est pas laissée de côté puisque l’intercommunalité CCNE valorise le passé minier de la région en finançant un éco musée, le Musée de la Mine-Fosse Lyautey. On peut certainement douter de la pertinence des ambitions de la CCNE de « s’affirmer comme l’un des pôles administratifs, économiques et touristiques du département » à l’heure où les départements perdent de leurs pouvoirs, mais l’exemple est significatif des stratégies locales mises en œuvre pour survivre dans un environnement économique et social de plus en plus âpre. D’ailleurs, les grandes orientations d’aménagement du territoire de l’État et de l’Union Européenne (UE) vont dans le sens d’une plus grande autonomie donnée aux espaces locaux.

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L’aménagement du territoire en France est le fait d’un grand nombre d’acteurs. Mais plus que les intervenants ce sont les enjeux qui ont connu les mutations les plus significatives. On est passé d’une logique d’aménagement du territoire à une logique de mise en compétition des territoires de proximité. L’aménagement est d’abord en France le fait des acteurs publics. L’État au premier chef qui par le biais de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (DATAR) définit les priorités, réalise les bilans et propose les grandes dynamiques. Mais depuis les lois de décentralisation (1982) les 26 régions françaises (devenues collectivités territoriales avec une assemblée d’élus au suffrage universel, 1986) se sont vues dotées de compétences élargies (Lycée, Train Express Régional TER) et les programmes s’inscrivent alors dans les Contrats de Projets État-Région (PER). Les départements (Collèges, action sociale comme le Revenu de Solidarité Active RSA) et les différentes intercommunalités (« pays », Communautés de Communes souvent rurales ou semi-rurales, Communautés d’Agglomérations souvent les métropoles et leurs aires urbaines, EPCI) complètent un paysage un peu compliqué. Les Schémas de Cohérence et d’Organisation Territoriale (SCOT), sont les documents réalisés par les EPCI (Loi SRU de 2001 et Loi Urbanisme et Habitat de 2003) pour coordonner les efforts de ces acteurs nombreux. Les entreprises d’État ou détenues en partie par l’État interviennent également : c’est le cas de Réseau Ferré de France (RFF) qui finance la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF) par exemple. Les entreprises privées sont de plus en plus sollicitées pour financer des projets d’aménagement du territoire : c’est le cas d’Eiffage qui a construit le Viaduc de Millau et se rémunère sur les péages via une convention de régie avec l’État. Enfin, acteur supranational de fait, l’Union Européenne (UE) par le biais de ses politiques participe aux financements de projets d’aménagement du territoire : Fond Européen de Développement Régional (FEDER), Politique Agricole Commune (PAC) sont des leviers puissants de financement. Mais les grandes orientations des années 1960 (Création de la DATAR en 1963) de rééquilibrage du territoire (On parlait alors de Paris et le désert français, Jean-François GRAVIER, 1947) se sont transformées en une volonté de mettre les territoires en compétition les uns avec les autres. Il en résulte un fort appui aux métropoles déjà riches et peuplées et dotées de fonctions tertiaires et quaternaires (recherche, information, innovation) seules à même de faire face à la compétition à l’échelle mondiale. L’insertion dans l’Union Européenne tempère la course au productivisme qui sinon guiderait l’ensemble des politiques d’aménagement. L’UE comme les engagements internationaux de la France (Plan Bleu, Kyoto 1992, Rio Kyoto+20 de 2012) imposent une dimension « développement durable » (Répondre aux besoins des générations actuelles sans comprendre les ressources des générations futures) aux projets d’aménagement des territoires. Les « pays » (1975) créés pour fédérer les espaces ruraux autour de projets structurels sont aujourd’hui remplacés par les différentes intercommunalités : Communautés de communes en zones rurales et semi-rurales, communautés d’agglomérations en zones très urbanisées, c’est ce qu’on nomme les « nouveaux territoires ». On imagine mal comment les pouvoirs publics pourront à moyen terme concilier le maintien d’une politique volontariste en matière d’aménagement des territoires et la raréfaction des crédits, les impératifs de compétitivité et ceux du développement durable, la volonté de favoriser la cohésion sociale par l’amélioration de l’accessibilité des territoires et la focalisation accrue sur les métropoles, qui en 2013, si elles accueillent plus de 500,000 habitants deviendront toutes des EPCI. Paradoxalement, à l’heure où le vocabulaire (Territoire de proximité, intercommunalité…) semble indiquer une attention marquée sur les aspects civiques et sociaux de l’aménagement du territoire, les outils concrètement offerts aux élus locaux et aux acteurs de la société civile indiquent clairement une forte orientation libérale et un focus économique fort.

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L’étude du parc de loisirs de Loisinord semble une illustration pertinente des enjeux et des ambigüités des politiques d’aménagement des territoires de proximité en France : le volontarisme des élites locales a heureusement rencontré les financements des différents acteurs (UE, collectivités territoriales, État, acteurs privés) et le projet s’est mis au goût du jour en se dotant d’un versant « développement durable » et régionaliste. Mais derrière la réussite ponctuelle du projet on assiste bien à la faillite d’une conception sociale de l’aménagement du territoire au profit d’une vision « compétitiste » qui met les territoires en compétition les uns avec les autres.

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