Balla Foulbé, un village au Niger à travers l’Histoire du pays, par Souleymane ALI YERO

Introduction

Il nous semble important de noter que ce travail est une première esquisse de présentation du village de Balla Foulbé qui se trouve dans la commune rurale de Tamou. Il est situé au nord du canton de  Wouro- Guellodjo, au  sud de l’ex canton de Tiala[1].Il relave administrativement du canton de Tamou département de Say. Les points qui seront abordés sont : la présentation du Canton et du village en question, les activités et les perspectives qui s’offrent à ces populations.

  1. Présentation du canton et du village de Balla Foulbé

1.1  Le canton de Tamou, commune rurale de Tamou

1.1.1 Cadre géographique :

Il important à notre avis avant de parler de la situation géographie de Balla Fulbé de faire celle du canton dans le quel se trouve se village notamment la commune rurale de Tamou. Tamou est un village et une commune rurale du Niger. La ville est la capitale de sa commune rurale dans le département de Say, de la région de Tillabéry à l’extrême sud ouest du pays. La commune rurale de Tamou se trouve dans la partie sud ouest du département de Say. Elle couvre une superficie 2 530 km²et limitée au Nord par la commune urbaine de Say et la commune rurale de Ouro Guéladio. Au Sud par le Parc W. A l’Est par le fleuve Niger et les communes de Kirtachi et de Falmey. A l’Ouest par le Burkina Faso. Le chef lieu de la commune, Tamou est situé à environ 90 kilomètres de la capitale du Niger, Niamey. A 45 kilomètres de Say, chef lieu de département.

1.1.2 Aspects physiques

La commune rurale de Tamou est caractérisée par deux types de climat :

  • Un climat sahélo- soudanien au Nord, où les précipitations sont de l’ordre de 400 à 600 millimètres ;
  • et un climat soudanien au Sud où le régime pluviométrique avoisine les 800 millimètres.

Cette pluviométrie est caractérisée par une forte variation dans le temps et l’espace. Une hydrographie marquée par la présence des eaux de surface et  des eaux souterraines :

– Eaux de surface, la commune comprend essentiellement les cours d’eau fossiles, des ravins à écoulement intermittents après les pluies et les mares permanentes et semi permanentes. Parmi les cours d’eau, le Fleuve Niger constitue la limite Est de la commune avec quatre affluents : le Goroubi, le Diamangou, la Tapoa et la Mékrou.

 – Eaux souterraines : la nappe alluvionnaire dans les vallées des cours d’eau et les bas fonds, favorise le fonçage des puits maraîchers offrant ainsi aux localités des conditions de mise en valeur agricoles pour le développement des cultures maraîchères et la pratique de la pêche. Rappelons que la commune rurale de Tamou se trouve dans la zone du Liptako Gourma (zone de socle).

En ce qui concerne le relief, sur l’étendue de la commune de Tamou, les formes de relief rencontrées sont entre autres :

– le plateau formé par la bordure du continental terminal (argiles gréseuse festonné avec de nombreuses buttes témoins vers le sud-ouest). L’altitude maximale de ce plateau est de l’ordre de 340 mètres à l’ouest ;

– la pénéplaine, formée par le socle constitué de granite, gneiss magmatique, séries métamorphiques, et roches vertes intrusives, qui représentent la limite du bouclier mossi ;

– un ensemble érodé plat où les seuls reliefs sont constitués par les buttes témoins du continental terminal, l’altitude est de l’ordre de 200 à 220 mètres au nord ;

 – la vallée du fleuve Niger à l’est dans le socle granito magmatique relativement encaissé au sud dont la largeur varie entre 500 m et 300 m. son altitude la plus basse se situe au sud est de170 m et son altitude la plus élevée est de 180 mètres au nord.

S’agissant des sols, on distingue quatre (4) types :

 – les sols lithiques formés d’un niveau meuble plaqué sur une dalle imperméable aux racines. Ces types de sols sont rencontrés dans le Parc national du W dans la partie Sud de la commune ;

 – les sols sableux rencontrés surtout dans le Nord de la commune,

 – les sols latéritiques, qui occupent la plus grande superficie de la commune.

– les sols hydromorphes appelés habituellement sols de bas-fonds ou de cuvettes. Ils sont localisés dans la vallée du fleuve, les mares et le long des affluents.

La flore est marquée par la présence des formations végétales plus ou moins denses et d’une grande diversité et variétés. Ainsi, on trouve au niveau des aires protégées un couvert végétal herbacé constitué d’un tapis graminéen (Antropogon, gayanus…). La strate arbustive plus dense par endroits est composée généralement de Boscia senelensis, cadaba forinosa ect qui forment des massifs forestiers plus ou moins denses par endroits parsemés ça et là de grands arbres comme Khaya senelensis Adansonia digitata, etc.

Il est important de souligner que la couverture arbustive souffrant de pression anthropique, est autant diversifiée que celle des airs protégées ; tandis que les herbacées sont représentées par : Cassia Obtisifolia, Zornia glochidiata

         Parlant de la faune est riche et variée (Parc W avec 220 000 ha et Réserves Totale de Faune avec 76 000 ha), on trouve généralement :

–  les carnivores : lions, hyènes, léopard, chacal, etc. ;

– les herbivores : buffles, éléphants, hippopotame, singes, phacochères, les grandes antilopes, etc ;

 – les rongeurs : lièvres, écureuils, le groupe des rats, etc.,

– les oiseaux : les aigles et vautours, pintades, pigeons, francolin, le grand calao et une multitude d’oiseaux (plus de 300 espèces différentes sont dénombrées), etc.

–  des reptiles Naja nigricolis, python de sebac, varan terrestre et d’eau.

 – Plusieurs espèces de poissons sont identifiées (tilapias, clarias) et des crapeaux ;

1.1.3 Aspects humains

La commune de Tamou compte 96.922 hbts en 2014 composés de 49.584 hommes et 47.338 femmes (population réactualisée avec un taux d’accroissement naturel de 3,9 % soit une densité de 38 hbts/km² (DDP/AT/DC Say). Les femmes représentent 48,84%. Les langues parlées sont : le Fulfuldé (le peulh, majoritaire); le djerma, le gourmantché, et le haoussa. 52% de cette population est jeune (moins de 15 ans).

1.2. Le Village de Balla Fulbé

1.2.1. Historique :

Hormis les ferobe de la migration de gueladjo qui ont militairement et politiquement marqué la région du fleuve, il existe un autre petit groupe de ferobe[2] dans cette région du fleuve qui était arrivé après celui de gueladjo et qui se nomme aujourd’hui les NOMABE.Ces ferobes ont pris le nom NOMABE du nom de la région qu’ils habitaient dans la fada N’Gourma (Burkina faso) . Il s’agit bien sur des ferobes de l’ancien canton de Tiala,dans la région de Say.

La source qui parle de la migration de ce groupe est celle LOYZANCE (A) qui disait : Comme les autres ferobe du canton de gueladjo,les peulhs ferobe du canton de Tiala viennent du Macina, mais l’époque de leur départ n’a  pu êtreprécisée. On sait seulement qu’ils se sont d’abord dirigés sur NOMA (près de FADA) d’où leur nom de NOMABE. Là, ils entrèrent en guerre contre les Gourmantché. Chassés de FADA, ils viennent s’installer près de MATIACOUALI où ils séjournèrent quelques années tout en repoussant encore les attaques Gourmantché.Vers 1830, ils vinrent près de Say, et demandèrent la protection de MAMANE Diobo.

Après le passage des troupes de MAMANE SAMBO. Ce dernier est le fondateur  entre les Gourmantché (1840-1845), ils s’installèrent à Balla près de la mare du même nom. La légende veut que MAMANE Sambo fait ses ablutions au bord de cette mare et avait imploré Dieu dans ses prières qu’un village soit créé non loin de BALLA.Tous les deux villages (Tiala et Balla) deviendront par la suite des cantons.Ces nomades ont été utilisés par MAMANE Diobo dans les guerres des peulhs contre les touareg ; c’est le cas de la guerre de Kareygorou au Bitinkodji, l’actuel canton de Lamordé

Le village de Balla Foulbé a été Fondé par Amir Boubacar Mamane Sambo un des lieutenants de Gwondu, la partie Ouest de l’empire peul  d’Ousman Dan Fodio. Avec son contingent de guerre à la recherche d’un point d’eau, il arrive sur la rivière Bella qui signifie la grande mare. Cette rivière, fut une grande impression sur Amirou (Mamane Sambo) qui décida de s’installer sur le côté nord de la dite rivière. Aussitôt il ordonna la construction d’une fortification « Birniol » dont les ruines restent encore visibles sur certaines parties. Apres quelques années  sur ce lieu, il fut rejoint par une tribu maraboutique venu de senosamboel  dirigé par un ardo chef de migration.

Les captifs d’ Amirou Mamane Sambo ayant découvert une vallée Tiala, prirent l’habitude de se rendre pour cultiver du Maïs chaque saison de pluie. Amirou dans un souci de protéger ses captifs de rapts fréquents à cette époque a fini par quitter Balla et s’installer à Tiala. En quittant, il prit le soin de confier la gestion du village déjà bien formé à Ardo qui devient ainsi chef du village de Balla Foulbé.  Ainsi, se sudérent les Ardo :

  • – Ardo Amadou Sambo vers 1830
  • – Ardo Saadou Oumarou dit Wankoye
  • – Amadou Saadou Oumarou dit Bibourey
  • – Hamadou Amadou dit SODE (décédé en 2020 au moment de la covid)
  • – Hamadou Amadou dit Djadje (depuis 2020

Apres avoir brièvement rappelé l’historique du village de Balla, nous allons maintenant, nous intéressés au cadre géographique dans lequel évolue ce village.

1.2.2 Cadre physique

Le village compte environ deux mille habitants (2.000) et se compose de trois quartiers historiques : A l’ouest le quartier de zarma venus de Kouré à la suite d’une famine. Au centre, les peuls Nomabe constitués  de descendants d’Amirou le fondateur du village et de la tribu des Ardo allies d’Alpha Mahamane Diobo. A l’est les descendants des anciens captifs de Balla établis sur cet emplacement depuis l’abolition de l’esclavage au début du XXe siècle. Le village de Balla est limité  au nord par  Tchempekoré  à l’ouest par Sagati au sud-ouest par KaralDjagou et sud Est par Tiala dont la frontière entre les deux villages au sud se trouve Tiala et au Nord Balla. Balla se trouve environ une trentaine de km de Torodi au sud Est.

Le relief se caractérise par une prédominance des plaines alluviales drainées par des affluents du fleuve Niger le Diamangou qui coule  d’Ouest en Est pour se jeter dans le fleuve  Niger vers Tamou. On y trouve quelques chaines de montagnes au Nord-ouest wade baba au sud une autre chaine de montagne connu sous le nom de Toulwaré puis Loubal. C’est à ce niveau que est apparue la nouvelle mine d’or appelée CFA.

La végétation se compose  jadis de grands arbres comme le tamarinier, le baobab,de palmier doum et de quelques arbustes et de « garbay »

Le réseau hydrographique pour les eaux de surface la rivière Bella qui est une mare semi permanant. Elle retient de l’eau à quelques endroits presque tout le long de l’année. La nappe phréatique et peu profonde et en abondance. La faune jadis était constituée de toutes les espèces d’animaux sauvages (lion antilope panthère …) retranché dans le parc w aujourd’hui.

II   Activités socio économiques

2.1 L’agriculture et l’élevage

L’agriculture est la principale activité économique des populations de la commune rurale de Tamou dont le village de Balla Fulbé fait partie.Elle est pratiquée en deux saisons. Le système agricole actuellement en place combine l’agriculture pluviale. Les principales spécialités agricoles cultivées dans le cadre de l’agriculture pluviale sont le mil, le sorgho, le niébé, l’oseille, l’arachide, et les calebasses. Les 2/3 de la production de niébé sont destinées aux exportations. Les cultures irriguées sont peu pratiquées mais prennent de l’importance ces dernières années. Ces activités sont surtout pratiquées dans les basfonds, le long la mare Bella. Les principales cultures sont le chou, la laitue, la pomme de terre, l’oignon, la tomate et la courge, le moringa, le haricot vert, le riz, le maïs etc.

         L’élevage constitue après l’agriculture la deuxième activité économique de la population de Balla Fulbé. La population élève presque toutes les espèces animales : Caprins, Ovins, Bovins, Asins, Camelins, Equins et Volaille. Ainsi on distingue trois types d’élevage :

 – L’élevage transhumant ;

  – L’élevage extensif ;

– L’embouche.

2.2 Les autres activités

          La pêche est une activité pratiquée certains villageois professionnels et aussi de manière communautaire souvent la mare de Bella ne tarisse. Les différentes espèces de poisson dans cette zone sont : les Tilapias, les Clarias et quelques carpes. Les 2/3 de la production sont destinées à la vente et le reste à la consommation familiale. Les populations pratiquent aussi quelques Activités Génératrices de Revenus (AGR). Les AGR sont très diversifiées se résument comme suit :

– la cueillette ;

– l’apiculture ;

 – le bûcheronnage ;

 – la chasse ;

 – l’artisanat ;

 – la pharmacopée traditionnelle.

III. Perspectives

3.1 Le devenir de l’agriculture et l’élevage

Les activités pratiquées par les habitants du village de Balla Fulbé à l’instar des beaucoup de localités au Sahel sont confrontées à une dégradation progressive des ressources naturelles liée aux effets du réchauffement climatique. Mais également l’augmentation de plus en plus croissante des besoins de la population. L’ensablement  de la mare semi permanente, Bella qui traverse le village d’Ouest en Est. À cela, il ajouter la disparition de massifs forestiers et des forêts galeries de la région. La raréfaction des espèces de grande valeur comme le Karité par exemple.

Cette situation renforce la transhumance des animaux vers les pays voisins notamment le Burkina Faso ou encore le Benin. Si les habitants ne sont font pas preuve d’une véritable résilience l’élevage sous forme actuelle n’existera plus.  Les populations se dirigeront vers des nouvelles opportunités comme l’exploitation des ressources minières qui commencent non loin.

  1. 2 l’apparition de ressources minières : l’or

Depuis courant 2019, une mine d’or a fait son apparition dans les alentours du village. L’exploitation de cette mine d’or a suscité quelques controverses entre les chefferies cantonales de Wouro Gueladjo et Tiala Nomabe dont ressort le village de Balla Fulbé. Fort heureusement, un dénouement heureux a été trouvé grâce aux autorités administratives qui ont pu montrer l’appartenance du site au territoire de Tiala. L’existence de ce site d’orpaillage traditionnelle constitue pour les habitants de Balla Fulbé et les villages environnantsune aubaine si la question de l’insécurité qui sévit dans la région venait à être éradiquée.

Conclusion

Le village de Balla Fulbé du canton de Tamou qui a été l’objet de notre enquête est un village séculaire fondé avant la pénétration coloniale. Il relève administrative de la commune rurale de Tamou dans le département de Say région de Tillabery. Les populations conservatrices du point de vu de la pratique des activités sont confrontées à des mutations liées à l’évolution du climat, au modernisme et à l’épineux problème d’insécurité. La population ne doit-elle pas se montrer résiliente ?

Références

Personnes interrogées

AMADOU Oumarou dit Djouroagé  65 ans habitant à Baalla Foulbé

Nom et prenoms  Qualité Age Date Lieu de l’entretien
AMADOU Oumarou dit DJOURO Résident à ballla Fulbé 65 27 /11/2021 Niamey- Bobiel
Souleymane ALI Ressortissant de Balla Fulbé 53 ans 19/11/2021  Niamey bobiel
ADAMOU Idrissa Ressortissant de Foulbé 25ans 26/11/2021 Niamey Bobiel

https://www.iucn.org/sites/dev/files/content/documents/fiche_descriptive_site_pilote_page_au_niger.pdf consulté le 25/11/2021

[1] Ex canton car la chefferie cantonale de Tiala a été rattaché àTammou en 1931 par l’administration coloniale dans un souci de réduire le nombre de canton à l’époque.  D’ailleurs d’autres villages ont connu le même sort  notamment, DJONGORE, Wayllosouldu, Ganki,…

[2]Ferobe signifie en fulfuldé migrants

© Souleymane ALI YÉRO (2022)

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