Tale – GÉOGRAPHIE (5), Coopérations, tensions et régulation à toutes les échelles

Tale – GÉOGRAPHIE (5), Coopérations, tensions et régulation à toutes les échelles

La mondialisation accentue les fractures territoriales et les inégalités socio-spatiales à toutes les échelles (voir cours 4), génère des frustrations et des convoitises qui entraînent des conflits. Dans quelles mesures les flux générés par la mondialisation (investissements, flux de marchandises, mobilités….) et la création d’organisations supranationales, favorisent la coopération et l’émergence d’ensembles régionaux ? Nous vous proposons dans ce cours des développements centrés sur l’Amérique. Deux fiches de lecture vous permettront d’avoir des éléments sur l’Asie. Dans un prochain chapitre nous travaillerons sur l’Europe.

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Les tensions au sein du continent américain sont en partie créées par des disparités de richesse et de développement, et ce à toutes les échelles. Le nord du continent (Canada, États-Unis d’Amérique) est riche, industrialisé et développé. Le Produit Intérieur Brut (PIB) des États-Unis culmine à 18 000 milliards de dollars loin devant le Brésil (2 500 milliards) ou l’Argentine (300 milliards) et très loin devant les États de l’Amérique centrale (Moins de 50 milliard chacun). Le Revenu National Brut par habitant (RNB/hab.) est de 60 000 dollars aux États-Unis, 15 000 au Brésil et 2000 au Honduras, soit entre 4 et 25 fois moins qu’aux États-Unis. L’Amérique du Nord concentre les richesses du continent : pour 38% de la population, les États-Unis et le Canada réalisent 82% des créations de richesse. Leurs IDH sont supérieurs à 0,910 (Celui des États-Unis est le 3e meilleur de la planète) tandis qu’en Amérique du Sud ils sont tous inférieurs à 0,850. En conséquence les populations vivent mieux au Nord. Tandis que 7% de la population vit avec moins de 1,25$/jour au Brésil (Contre 20% au Honduras) on n’en compte aucun au Nord. Cette ligne de fracture économique se retrouve à l’échelle régionale. Le cône Sud (Chili, Argentine, Paraguay et Uruguay) est plus riche que les États andins (Bolivie, Pérou, Équateur, Colombie) dans lesquels le PIB/hab. est inférieur à 10 000$. Haïti, dans l’interface caraïbe, est un des Pays les Moins Avancés (PMA) : le PIB/hab. est inférieur à 5000 dollars. Il est également nécessaire de se pencher sur les clivages qui affectent les Etats américains. Les régions intérieures sont généralement moins dynamiques que les façades littorales et les régions transfrontalières. Le sud-est du Brésil (polarisé par Rio de Janeiro et Sao Paulo) est plus développé que les régions du bassin amazonien. La mondialisation est un processus qui conduit à la concentration des richesses dans certains territoires. Le déploiement d’une économie mondialisée hiérarchise les territoires et crée de la marginalité. On retrouve de fortes disparités économiques à l’échelle des métropoles.  Les inégalités socio-spatiales sont très fortes dans les métropoles sud-américaines (quartier des affaires de Santa Fe / bidonville de Chalco à Mexico).

Les tensions liées aux disparités sociales sont donc vives. Mais elles sont nourries aussi des tensions culturelles et idéologiques fortes, qui animent des affrontements parfois violents. La politique impériale (Doctrine Monroe, 1824) des États-Unis qui ont longtemps considérés l’Amérique latine comme leur « arrière-cour » a avivé les rancœurs. Les populations latino-américaines n’ont pas oublié que les dictatures militaires ont été portées au pouvoir et financées par les nord-américains. Des chefs d’État ont fait de l’opposition aux États-Unis l’axe central de leur diplomatie : c’est le cas d’Hugo Chavez (décédé en 2013, remplacé par Nicolas Maduro) président altermondialiste du Venezuela, fondateur de l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) qui regroupe maintenant le Honduras, le Nicaragua, Cuba de Raúl Castro, la Bolivie d’Evo Morales, l’Équateur, ces deux derniers pays étant dirigés par des Indiens indigénistes. L’antagonisme entre Cuba et les États-Unis est ancien et connu. En septembre 2015 B. Obama s’est déclaré favorable à la levée de l’embargo qui pèse sur Cuba depuis 1962. Il existe une discontinuité culturelle et religieuse entre un Nord, anglo-saxon et protestant, et un Sud hier encore catholique et toujours latin (lusophone ou hispanophone). Les tensions ne reposent pas uniquement sur des oppositions idéologiques. Les litiges frontaliers opposent régulièrement les pays d’Amérique latine et d’Amérique du Nord. Le Canada et les États-Unis sont entrés dans une opposition sourde à propos du statut juridique de la route du Nord-Ouest en Arctique. On constate des tensions au sujet du tracé des frontières en Amérique du sud (Venezuela/Colombie/Brésil).

Au sein des États les tensions sont parfois vives : les mouvements de protestations indigénistes affectent tous les pays andins (Colombie, Équateur, Pérou, Bolivie, Paraguay). La violence militaire des États (Brésil : campagne de « pacification » des favelas de Rio de Janeiro avant la coupe du monde de football de 2014), celle des mafias (Mexique : violence des Narcos à Ciudad Juarez), les guérillas (comme le « Sentier Lumineux » au Pérou, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie, FARC) fabriquent des sociétés en guerre contre elles-mêmes.

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La plupart des Etats américains appartiennent à une ou plusieurs organisations intergouvernementales. Toutes ne poursuivent pas le même objectif. Certaines ont été mises en place par des Etats soucieux de créer un marché commun et de favoriser les échanges à l’intérieur de ce marché commun (baisse des tarifs douaniers, harmonisation des normes). C’est le cas d’abord de l’Association de Libre Échange Nord-Américaine (1994, ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Le Mercado Común del Sur (MERCOSUR, 1991) entre le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay, l’Argentine, et le Venezuela (depuis 2005) s’oriente aussi vers un marché commun du Sud mais aujourd’hui seuls 66% des produits échangés sont concernés par le tarif douanier unique. Les disparités sont grandes entre les pays du MERCOSUR, que ce soit par rapport à la taille des populations et des économies, ou leur nature (Pays industrialisés comme le Brésil, agricole comme le Paraguay, pétrolier comme le Venezuela). Les associations économiques se sont multipliées, souvent sous l’impulsion des États-Unis : CARICOM (Caribbean Community) entre les pays caraïbes, Marché Commun Centre-américain (MCCA) entre les pays de l’Amérique centrale (Costa Rica, Nicaragua, Honduras, Salvador et Guatemala). Des leaders politiques sud-américains ont mis en place des mécanismes de solidarités et se sont associés pour peser sur la scène internationale. L’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) promue par Chavez, la Communauté des Nations Andines (CAN) autour de la Bolivie, du Pérou, de l’Équateur, et de la Colombie. Le projet de Zone de Libre Échange de l’Amérique (ZLEA) qui aurait lié toutes ces associations de libre échange à l’ALENA a été combattu par les chefs d’États (Lula Da Silva au Brésil, Hugo Chavez au Venezuela, entre autres) et les associations altermondialistes (Sous-commandant Marcos au Yucatán mexicain).

La signature de traités intergouvernementaux favorise l’intégration institutionnelle de certaines régions américaines. En facilitant la circulation des capitaux et des marchandises de part et d’autres des frontières des Etats elle favorise  également le développement des zones transfrontalières. On constate une continuité fonctionnelle voire physique de part et d’autres des frontières en Amérique du nord (intensité des relations dans la région des Grands Lacs entre Canada et Etats-Unis). Le Nord du Mexique a accueilli des Investissements Directs Étrangers (IDE) nord-américains, essentiellement étatsuniens, dans les domaines de la sous-traitance électronique et dans le montage et l’assemblage des produits Hi-Fi (50% des téléviseurs dans le monde sont assemblés à Tijuana).  Le Canada a accueilli les studios d’Hollywood, dans le domaine des séries télévisées essentiellement. Le Canada séduit les investisseurs étatsuniens essentiellement sur les questions syndicales. De nombreuses entreprises américaines ont délocalisé leurs activités du côté canadien de la frontière. On constate la formation de mégalopoles transfrontalières (Seattle-Vancouver sur la côte ouest et Toronto-Chicago autour des Grands Lacs).

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La création d’organisations intergouvernementales est un facteur d’intégration important. Des Etats mais aussi des acteurs privés pensent désormais leur développement à l’échelle du continent. Ils financent des infrastructures qui favorisent la cohésion de l’Amérique et génèrent des flux qui intègrent le continent.

Les axes de communication aménagés au Canada et aux Etats-Unis dès le milieu du XIXème siècle (routes, canaux, voies de chemin de fer) ont permis d’assurer la cohésion de ces Etats-continent. Les Etats signataires des traités du MERCOSUR ont décidé d’aménager des voies de communication permettant de relier les deux océans. Ces projets sont, pour la plupart, financés par la Banque Interaméricaine de Développement. Les territoires sud-américains restent mal connectés. Les Investissements Directs à l’Etranger manifestent la complémentarité voire l’interdépendance des économies du continent. La plupart des IDE proviennent des Etats-Unis. Ils avoisinent 100 milliards de dollars par an au Brésil et au Mexique et 30 milliards dans les pays du cône Sud. Le Mexique reçoit 20% des IDE étatsuniens.

Les flux migratoires internationaux sont un élément de l’intégration économique : la population hispanique aux États-Unis dépasse les 35% dans les États de Californie, du Nouveau Mexique et du Texas, et dépasse les 25% dans tous les États frontaliers avec le Mexique. Les travailleurs hispaniques (25 millions sont des Mexicains installés aux États-Unis), en retour, envoient des « remesas » (Argent envoyé aux familles restées au pays) d’un montant de 26 milliards de dollars par an au Mexique, de plus de 5 milliards dans des pays comme la Colombie ou le Brésil.

Les flux de matières premières et notamment les flux d’hydrocarbures relient entre eux une partie des territoires américains. Les Etats-Unis consomment une grande partie des hydrocarbures (pétrole conventionnel, gaz de schiste, sables bitumineux) exploités au Canada. Au début des années 2000, l’entreprise TransCanada a construit un oléoduc (Keystone) permettant d’acheminer les hydrocarbures exploités dans l’Alberta vers les raffineries du golfe du Mexique. En 2011, l’entreprise présente le projet Keystone XL. Stephen Harper, premier ministre du Canada entre 2006 et 2015 était favorable au projet. L’opinion publique étatsunienne est divisée (le parti républicain et les industriels / les écologistes et les associations amérindiennes). En novembre 2015, Barack Obama a déclaré publiquement qu’il s’opposait à ce projet. Selon Radio Canada (article publié le 20 novembre 2017), « le dernier obstacle à l’oléoduc Keystone XL est levé ». Le président américain D. Trump et le premier ministre canadien J. Trudeau ont signé les permis de construction du pipeline de 1897 km reliant l’Alberta (Canada) au Nebraska (États-Unis).

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En Amérique, les inégalités socio-spatiales et les tensions existent à toutes les échelles (des cités ségrégées où se juxtaposent gated communities et ghettos au « mur » entre le Mexique et les Etats-Unis). On assiste cependant à la formation d’espaces cohérents d’envergures régionales et au développement de la coopération internationale par le biais des organisations intergouvernementales et par les flux. Les Etats-Unis (ALENA) et le Brésil (MERCOSUR) ont un rôle déterminant.

À l’échelle mondiale, des exemples de coopération existent. Depuis la fin de la Guerre Froide le système libéral n’a plus face à lui de contre-modèle. La gouvernance économique mondiale a évolué afin d’être mieux adaptée à cette nouvelle donne. En 1995, le GATT est remplacé par l’OMC (la Chine y est admise en 2001). Des groupes informels existent également : le Forum économique à Davos, le G8 qui regroupe les principales puissances économiques mondiales (Etats-Unis, Canada, Allemagne, France, Italie, Grande-Bretagne, Russie, Japon). Depuis 1999, il existe également un G20 qui regroupe les pays développés et les pays émergents qui représentent à eux seuls 85% des richesses produites dans le monde. La gouvernance économique mondiale est un vecteur de la mondialisation libérale créatrice d’inégalités. Elle est donc remise en cause par les mouvements altermondialistes (Forum social mondial). On peut également évoquer la coopération dans le domaine diplomatique et militaire (ONU, OTAN, EUFOR, G5 Sahel…).

Sources (disponibles au CDI)

DABENE O., LOUAULT F., 2018, Atlas du Brésil, éditions autrement.

LE GOIX R., 2013, Atlas de New York, éditions autrement.

MONTES Ch., NEDELEC P., 2016, Atlas des États-Unis, éditions autrement.

 © Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020)

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Terminale_Géographie_5_Coopérations_tensions_régulation aux échelles mondiales, régionales et locale

Articles complémentaires :

Cliquez ICI pour accéder au cours précédent intitulé « Des territoires inégalement intégrés à la mondialisation. »

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Cliquez ICI pour accéder à l’index de la catégorie “Mondialisation : fonctionnement et territoires”

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