1ère – GÉOGRAPHIE (7), Intégration des espaces productifs à l’échelle européenne et mondiale. 

1ère – GÉOGRAPHIE (7), Intégration des espaces productifs à l’échelle européenne et mondiale. 

                La mondialisation libérale, en ouvrant les barrières douanières et en stimulant le transport des marchandises et des capitaux, a brutalement mis en concurrence les espaces productifs (Les espaces sur lesquels se réalise l’essentiel de la création de richesses). Les localisations de ces espaces productifs sont soumises à des violents changements de logiques. A travers l’exemple du pôle de compétitivité de Paris-Saclay (France) nous verrons comment en France se recomposent les espaces de productions de richesse.

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                Le pôle de compétitivité de Paris-Saclay constitue une concentration exceptionnelle de chercheurs (Recherche scientifique publique et privée) et d’investisseurs à l’échelle mondiale et nationale. Situé en Île de France, dans l’agglomération parisienne à une dizaine de kilomètres au Sud de la capitale (Département de l’Essonne), le technopôle de Paris-Saclay forme le cœur du « Cône de l’innovation » (Paris / Saint-Quentin-en-Yvelines / Sénart) du Schéma Directeur de la Région Île de France (SDRIF). Regroupant près de 10% des effectifs français de la recherche il voit son importance accru par un aménagement volontariste des pouvoirs publics et des collectivités territoriales concernées. Aménagé par l’État dès la fin des années 1950 sur un plateau agricole (Dont il conserve encore les paysages bucoliques, importants atouts pour attirer les cadres très qualifiés) il accueille dans un premier temps des grandes structures de recherches : le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et ensuite les laboratoires de l’École Polytechnique. Aujourd’hui les axes de recherche de cette SiliconValley à la française sont très variés mais gardent comme points communs l’orientation dans les technologies de pointe : nanotechnologies, optique de haute précision, technologies pour l’aéronautique dans oublier les sciences de la santé et du vivant. 12,000 chercheurs se concentrent sur le plateau de Saclay, répartis en 160 laboratoires publics (CNRS, « Supélec »…) et privés, soutenus par 7 universités accueillant près de 23,000 étudiants. 4,000 entreprises dont des géants de la recherche (Thalès, industrie militaire des missiles et de leur système de guidage, Danone géant des Industries Agro Alimentaires, Motorola dans la téléphonie et les télécommunications) assurent plus de 40,000 emplois. Le plateau de Saclay représente 25% des crédits consacrés à la recherche en région Île-de-France. Cette concentration d’acteurs privés et publics, financiers, commerciaux et chercheurs suit la logique des « clusters », où l’action des pouvoirs publics (Infrastructures, écoles de formation, laboratoires de recherche fondamentale) doit dynamiser et être dynamisée par la présence d’entreprises rentables et puissantes (recherche appliquée, investissements, emplois). C’est le modèle de San Francisco où la prestigieuse université de Stanford voisine avec Google, Apple, Microsoft Research Center, Oracle, fondées la plupart du temps par des anciens étudiants. Le modèle est connu. L’État a été un acteur essentiel de la nouvelle envergure donné à Paris-Saclay comme « pôle de compétitivité d’envergure mondiale » en intégrant ses aménagements dans une Opération d’Intérêt National (OIN) de Paris-Saclay-Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines : il s’agit de générer 350,000 emplois quand le pôle sera arrivé à maturité. Son rôle consiste à implanter des laboratoires de recherche prestigieux (Commissariat à l’Énergie Atomique CEA par exemple) et à installer des infrastructures de transport et à les interconnecter (Exemple du TGV Gare de Massy-TGV, les autoroutes comme l’A1 ou les aéroports de Roissy au Nord de Paris et d’Orly reliés par le TGV). Ce qu’on appelle les « aménités », c’est-à-dire l’ensemble des conditions favorables à la croissance démographique et économique d’un territoire donné. Le département de l’Essonne agit pour favoriser les mobilités entre le technopôle et l’agglomération parisienne et en favorisant les mobilités internes (Départementales, renouvellement du bâtis…). Les entreprises privées deviennent aussi des acteurs stratégiques dans cette politique de création d’un cluster d’envergure mondiale : leur implantation durable est décisive. Les atouts du plateau sont nombreux : bonne accessibilité vers Paris (RER, Départementales) et les autres centres d’innovation (Evry, Versailles), mais surtout le cadre semi champêtre propre aux espaces périurbains est de nature à attirer des cadres très qualifiés à la recherche d’un cadre de vie agréable. Cette politique n’est évidemment pas dénuée de fondements : l’intercommunalité à échoué en région parisienne, du fait essentiellement que Paris comme toutes les villes mondiales vit en apesanteur sur la Région Île-de-France (Saskia SASSEN, The Global City: New York, London, Tokyo. Princeton, Princeton UniversityPress. New Jersey, 1ère édition en 1991, 2e édition en 2001) et que les intérêts des autres communes ne sont pas les siens. Déjà le Paris du baron Haussmann (1852-1870) avait littéralement mangé les communes avoisinantes (Montmartre). Mais aujourd’hui le projet d’un « Grand Paris » semble bloqué. Paris peine à sortir du dilemme ancien : trop grand pour la France, trop petit pour le monde. Pourtant de nombreux débats persistent. D’abord l’efficacité : 75% des fonds de recherche en France sont d’origine publiques (contre 15% en Allemagne) ces fonds semblent démesurés au regard des résultats. Comment juger de la rigueur de l’utilisation de ces fonds publics par des entreprises privées ? Le pôle lui-même n’impressionne pas : avec deux fois plus de chercheurs que Cambridge il aligne 40% de publications scientifiques de moins. La comparaison avec Stanford (le modèle) est plus cruelle : avec 4 fois moins de chercheurs Stanford publie plus (De l’ordre de 20% de plus !). Enfin, maladie française, le projet est conçu sans concertation avec les acteurs locaux (usagers, communes et collectivités territoriales).

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                Pour autant, la France a-t-elle le choix ? La mondialisation libérale entraîne une Nouvelle Division Internationale du Travail (NDIT). Les entreprises industrielles délocalisent leurs unités de production (Et il ne s’agit plus seulement des productions industrielles à faible valeur ajoutée) dans les pays émergents : coûts salariaux moindres (Pas de protection sociale, pas de loi protégeant les salariés contre les accidents du travail, peu de syndicalisme…), impôts sur les bénéfices quasi nuls, législation très flexible sur les conditions et les rythmes de travail… Les pays riches doivent se repositionner sur les secteurs innovants, là où l’armature ancienne et dense d’écoles, d’universités et de centres de recherche sera un avantage comparatif. Et, où les coûts salariaux ne jouant plus, la marge sera élevée. Et déjà dans le secteur des télécommunications (ZTE), de l’électronique (LENOVO) ou du transport ferroviaire (TGV) la République Populaire de Chine (RPC) s’avère un compétiteur redoutable. Les synergies entre les différents acteurs de l’innovation (État, laboratoires publics et entreprises privées) et les collectivités territoriales (en règle générale chargée de l’attractivité et de l’accessibilité des territoires) est fondamentale. La mondialisation entraîne comme partout dans le monde une métropolisation des activités très nette : Aerospace valley à Toulouse (Aéronautique-Aérospatiale), Lyonbiopôle à Lyon (Technologies de la santé) illustrent les dynamiques de localisation des territoires productifs que sont les pôles de compétitivité. Cette concentration des activités vers les métropoles concerne aussi l’ensemble du système productif français. Les industries françaises s’internationalisent (Renault délocalise une partie de sa production en Turquie, en Slovénie) et nouent des partenariats stratégiques avec des entreprises étrangères (Nissan au Japon, Dacia en Roumanie). Dès lors les entreprises industrielles regroupent leurs activités françaises en villes car elles ne conservent que les fonctions tertiaires et de commandement. L’économie française étant à son tour réceptrice d’Investissements Directs Étrangers (IDE) les entreprises ont tendance à quitter les terroirs historiques pour les villes dans lesquelles elles ont plus de visibilité et plus de soutiens (Chambres de commerce et d’Industrie, syndicats patronaux) et où elles sont plus accessibles. Car l’accessibilité est devenue le maître mot des logiques de localisation : les entreprises industrielles quittent les banlieues (Où elles trouvaient leur bassin de producteurs non loin de leur bassin de consommateurs) pour les Zones Industrialo-Portuaires (ZIP) et leurs hinterlands que sont les vallées fluviales. Car maintenant le producteur peut-être en Tunisie et le consommateur à Shanghai. Il importe donc d’être aux carrefours de transport. Les collectivités territoriales, pour structurer et renforcer leur économie locale, sont invitées à mettre sur pied les « systèmes productifs locaux », sorte de spécialisation économique à l’échelle locale (Exemple de la vallée de l’Arve qui regroupe 600 PMI du décolletage sur 300km²). On est passé en cinquante ans d’un espace productif national à un réseau d’espaces productifs locaux que les collectivités territoriales doivent accompagner dans leur structuration et leur accessibilité. Ces recompositions géographiques et spatiales touchent aussi les agro-systèmes : les régions aux sols fragiles (Montagnes) se tournent vers les productions spécialisées (AOC comme le fromage Beaufort en Vanoise), les activités les plus productives se recentrant sur les terres riches (Ouest et l’élevage intensif, région parisienne et la grande céréaliculture par exemple) et bien raccordées aux marchés européen et mondial. Car l’agriculture est comme l’industrie prise dans les logiques de la mondialisation.

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                Les espaces productifs en France sont donc animés d’une double logique de localisation. Ils se concentrent dans les villes (et les régions très peuplées) et sur les littoraux. Ce sont les phénomènes de littoralisation et de métropolisation. On est passé en 50 ans d’un espace productif national à une multitude d’espaces productifs locaux reliés en réseau et reliés plus ou moins au Reste Du Monde. Dans ces recompositions l’État et les pouvoirs publics ont un rôle stratégique en termes d’aménagement du territoire. Accompagner ces recompositions en les conciliant avec les impératifs du développement durable, rendre ces territoires accessibles sans sacrifier les intérêts des usagers de proximité, voilà les enjeux contradictoires de l’aménagement des espaces productifs.

© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO &Ronan KOSSOU (2020)

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